Demain disparue est un thriller d'anticipation climatique, bien (trop) proche de notre époque. Conçu en 6 actes comme une pièce de théâtre dont le lieu rappelle la Haute Normandie sans la nommer, il se lit à la lumière des chandelles lorsque le vent fait claquer les volets.
Lif est enceinte mais c'est la fin de son couple. Elle compte passer une dernière soirée "normale" chez ses amis avant de changer de vie, rompre, déménager, élever son enfant seule. Ce soir-là, la tempête du siècle souffle sur la lande, triste allégorie de sa vie. La signification de ces drapeaux blancs levés sur les maisons du hameau lui échappe. Des lumières illuminent un château inhabité, ses hôtes ont un comportement étrange, voire étranger. Leur petit garçon semble avoir disparu et leurs excuses sont douteuses. Dans son ventre, elle ressent cette même agitation qui trouble son esprit. Oui, elle aurait dû fuir avant de franchir le seuil de cette sinistre maison, verrouillée à clef dans son dos.
Le roman s'ouvre sur le thème de la crise conjugale, analysé avec une précision effarante, la fin du monde faisant écho à la fin de leur monde à deux, rempli d'habitudes et se teintant d'amertume au fil du temps. Puis, David Coulon transpose en fiction le conflit générationnel que provoque le changement climatique et les peurs, les folies et les angoisses engendrées par celui-ci, tout en faisant la critique de l'égoïsme et de l'aveuglement de ces acteurs.
Ce roman est un tournant pour l'auteur, jusqu'ici habitué des romans noirs sous un regard masculin ; dans Demain disparue, David Coulon, en fin psychologue, s'immerge dans la psyché de Lif, cette jeune mère en devenir, apeurée mais prête à en découdre pour survivre. L'écriture hachée et répétitive qui le caractérise est au service de la vraisemblance, d'une atmosphère d'immédiateté rythmée par le souffle haletant d'une héroïne plus criminelle qu'il n'y paraît.
C'est un roman éprouvant, dérangeant, sombre. Et lorsqu'on referme le livre, une question demeure : alors que la nature plonge le monde dans le chaos et l'humanité dans la folie, qui est le vrai coupable ?
La lecture se clôt sur cette magnifique strophe de la Voluspa :
Le soleil s'obscurcira,
La Terre sombrera dans la mer,
Les étoiles resplendissantes
Disparaîtront du ciel.
La fumée tourbillonnera,
Le feu rugira,
Les hautes flammes
Danseront jusqu'au ciel.
Cela fait de nombreuses années que nous suivons le travail de David Coulon, et nous sommes ravis de le voir occuper une place au sein des éditions Fayard dans leur nouvelle collection Nuit blanche. Une place qu'il mérite amplement.
Vous pourrez le rencontrer lors de notre festival à Angers, les 18 et 19 mai prochains, et découvrir sa nouvelle inédite pour notre anthologie Textes de l'art !
Manon Tardy