Erèbe d’Aigremort ne quitte jamais son manoir, traumatisé par l’attaque d’une créature de cauchemar pendant son enfance.
C’est pourtant son nom qu’une négociante nuptiale soumet à Cécilie, car il est le seul qui corresponde aux critères étranges de la jeune roturière fortunée.
Érèbe accepte la proposition d’union et se laisse convaincre de participer aux sélections pour intégrer le Cercle des Géographes, qui organise des expéditions de prestige vers Exotica, une terre peuplée de créatures magiques.
Érèbe compte bien y retrouver les racines de son passé alors que Cécilie souhaite profiter de l’escale à La Scientifica, une terre de sciences et de progrès, pour s’échapper du carcan que Naturalia impose aux femmes.
Lorsqu’ils découvrent que le véritable enjeu est de ramener la magie d’Exotica à Naturalia, ils se retrouvent pris au piège de complots politiques qui les dépassent.
Arpentez un univers infusé de merveilles autant que de noirceur, inspiré des cabinets de curiosités et peuplé de personnages inoubliables, meurtris et faillibles, dans une atmosphère green academia.
Dans ce premier tome, nous faisons la connaissance d’Érèbe, notre protagoniste qui n’a rien d’un héros. C’est même tout l’inverse : Érèbe est introverti, fuit toute forme de contact social et ne présente pas une très grande confiance en lui-même et en ses capacités. En résumé, on peut dire qu’il est fortement marqué par l’attaque d’une créature qui apparaît régulièrement dans ses cauchemars, une attaque dont il ne se rappelle pourtant rien.
À l’inverse, Cécilie est clairement le personnage fort de l’histoire : non contente de secouer Érèbe et de lui ouvrir les yeux sur le monde qui l’entoure (et sur des vérités qu’il aurait préféré ignorer), elle est aussi bien décidée à forger son destin selon ses propres conditions, pas selon celles de la société très fortement patriarcale dans lequel elle est forcée d’évoluer.
Leur duo est donc intéressant et leurs tempéraments respectifs respirent l’authenticité : Cécilie a certes une personnalité affirmée mais n’est pas infaillible pour autant ; quant à Érèbe, il est semblable à n'importe quelle personne d’un naturel angoissé, ses réactions et ses questionnements n’ont rien d’exagéré.
Sans surprise, le cadre de l’intrigue est tout aussi original et bien construit. Entre Naturalia et sa société traditionnaliste, Scientifica, l’archipel symbole de progrès et d’avancées technologiques, et Exotica, la jungle qui recèle nombre de mystères, le moins qu’on puisse dire, c’est que l’on voit du pays !
Le rythme de l’intrigue n’en reste pas moins très posé et c’est surtout dans les cent cinquante dernières pages (donc quand l’expédition à laquelle participent Érèbe et Cécilie débarque à Exotica) que les rebondissements s’enchaînent. Et qui dit rebondissements dit révélations, sans oublier un double cliffhanger histoire de bien faire comprendre que nous sommes encore loin d’avoir tout vu.
Emblèmes est donc un roman aux personnages uniques et à l’univers foisonnant, qui n’oublie pas d’aborder des thématiques importantes sur la base de la condition des femmes et de l’écologie. Et que serait une bonne histoire sans une plume riche et si maîtrisée que l’on a envie de savourer chaque phrase ? En attendant de voir ce que le réserve le deuxième et dernier tome… Difficile de deviner la suite d’une histoire aux réalités si mouvantes !
Bénédicte Durand