L’Arpenteuse de rêves d’Estelle Faye – Éditions Rageot

Après le roman historico-horrifique Widjigo (2021), le roman adulte post-apocalyptique Un éclat de givre (2014), et le roman jeunesse Le Drakkar éternel (2020), Estelle renoue avec son public young adult. L’Arpenteuse des Rêves est un roman onirique et totalement engagé.

Estelle Faye nous entraîne dans la cité-royaume de Claren où vivent Cassandra et sa sœur Lissem. Claren est une ville au décor typique de la révolution industrielle. Une ville en plein essor, où le faste et la majesté trônent à la cime d’une colline surplombant les divers ateliers et industries qui la bordent. Piégée entre les effluves toxiques des industries et la richesse qui ne ruisselle pas jusqu’à elle, la basse citée tente de survivre. Sorte de ghetto des temps modernes où les habitants s’abritent des rebuts industriels et se nourrissent des déchets de la haute cité, la basse citée est le lieu où se déroule la majorité du récit. Dans cet environnement sombre et délaissé, la loi du plus fort prédomine ; et ceux qui possèdent un talent plus ou moins utile deviennent des ressources convoitées. Cassandra fait partie de cette catégorie car elle a un don : elle peut voyager dans les rêves des autres. Bien que peu courant, ce don n’est pas si rare. Cependant, les arpenteurs de rêves sont en général issus de bonnes familles ; ils sont repérés à un jeune âge et envoyés dans une académie pour y être formés et ainsi prendre part à la toile d’espionnage tissée pour assurer la survie et l’essor de Claren (un sorte d’ordre Jedi sans sabre mais pouvant pénétrer les esprits des malheureux cherchant à dormir). Et c’est bien là, la plus grande richesse de Claren.

Imaginez ! Imaginez seulement deux ou trois individus, dans l’une de nos sociétés, à même de rentrer dans l’inconscient des gens et de leur soutirer des informations, De connaitre à l’avance, un plan d’attaque de grande envergure, les codes des coffres forts, les ambitions commerciales ou les plans de la nouvelle invention qui révolutionnera le monde. Et bien c’est ce dont sont capables les arpenteurs de rêves qui sont regroupé et formé dans l’académie. Mais pas Cassandra. Car cette dernière vit dans le Ghetto, et il est inenvisageable qu’un arpenteur de rêves puisse naître dans cet endroit malfamé. Alors, dès que son talent devient connu, les différents gangs cherchent à en profiter. Et quelle meilleure manière de l’y contraindre que de faire pression sur Lissem, sa sœur. Seulement voilà, une mission tourne mal et Lissem perd la vie. Sa mort emporte avec elle toutes les convictions et les espoirs de Cassandra qui jure de ne plus jamais user de son don.

Le temps passe et la promesse demeure mais le fragile équilibre du ghetto de Claren se trouve perturbé quand des fantômes commencent à apparaitre et que les cauchemars se répandent comme une épidémie sur les habitant défavorisés. Cassandra, qui se fait maintenant appeler Myri, doit se résoudre à briser son serment pour sauver les siens et comprendre les causes de cette épidémie.

De son propre aveu, le public jeunesse et adolescent fait partie des publics les plus durs à contenter. Est-ce pour cela qu’Estelle Faye récidive une nouvelle fois ? En tout cas, force est d’admettre qu’elle nous surprend toujours, devenant une autrice incontournable tant par la qualité que par l’originalité de ses parutions. L’Arpenteuse des Rêves est un roman engagé, tant au niveau de l’inclusivité et de l’égalité sociale que de l’écologie et la symbiose du règne vivant. C’est grâce à sa plume fluide et directe qu’Estelle permet aux jeunes lecteurs et lectrices de se questionner sur ces enjeux sociétaux et les poussent à s’en emparer. A lire, à faire lire et à méditer à tout âge.

 

Pierre-Marie Soncarrieu

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