David Coulon est un auteur ayant plusieurs cordes à son arc. Psychologue de profession, il est auteur de romans et de nouvelles mais également metteur en scène de théâtre. J’ai découvert ses écrits lors du salon ImaJnère 2024 alors que j’explorais les différents livres proposés à la vente. La couverture et le titre du livre « Kintsugi » ont attisé ma curiosité. Cette poupée en porcelaine au visage brisé où les fêlures sont sublimées par de l’encre doré est l’exemple parfait de cet art japonais du kintsugi.
L’auteur raconte l’histoire d’une jeune institutrice, Marie, mariée à Marc et maman d’une petite Lila, de quatre ans, qui devra subitement faire le deuil de sa famille percutée par un camion sur l’autoroute. Du jour au lendemain sa vie bascule : son mari est mort et sa fille est en état de mort cérébrale. Les organes de Lila vont être transplantés chez un autre enfant. Lila va être transplantée dans cet enfant ? Lila est toujours en vie ? Nous découvrons dans ce polar, à destination d’un public adulte, le chemin que Marie fera pour retrouver les organes de sa fille, celui qui la conduira dans son processus de deuil et jusque dans la folie.
Le roman se compose de cinq parties, respectant les différentes étapes du deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Le style d’écriture choisi, le récit à la première personne du singulier, des phrases courtes, le vocabulaire et les descriptions parfois crues et brutes nous plongent parfaitement dans le tourbillon de pensées et d’émotions de Marie. Ce point de vue interne permet au lecteur d’être le témoin privilégié de la naissance de la folie au passage à l’acte meurtrier jusqu’à la complète décompensation psychique.
Avant d’entamer ma lecture, mes connaissances du kintsugi étaient que cet art se rapprochait de l’idée de sublimer les blessures somatopsychiques d’une personne ayant vécu un évènement traumatique au travers d’un processus de résilience. Néanmoins, à la fin du roman, n’ayant pas retrouvé chez Marie de résilience ou de critiques de son délire, je me suis questionnée sur ma compréhension du kintsugi, qui n’était pas peut-être pas la bonne.
En reprenant sa définition première, le kintsugi est le fait de réparer un objet et de le reconstituer en le sublimant avec une encre dorée pour souligner ses fissures. L’artiste se réapproprie l’objet et le transforme, le magnifiant au travers de ce processus de cassure. Au sein du roman, cette définition du kintsugi est rapportée au deuil pathologique de Marie. Celle-ci, piégée par la noirceur du deuil, voit en l’enfant qui aurait reçu les organes de sa défunte fille, la possibilité de la retrouver. Se développe alors ici l’art du kintsugi…
Ce livre nous pousse à nous questionner sur notre propre définition du kintsugi et l’auteur semble jouer avec deux niveaux de lecture. Qui est objet de qui ? Au fur et à mesure de ses rencontres, Marie est tour à tour l’objet à réparer tout autant que celle qui souhaitera réparer l’objet perdu et chérir chacune de ses fêlures. Un roman haletant, prenant, sensible et cruel à la fois.
Jeanne-Marie Orliaguet