Je suis un grand fan de Justine Niogret. J’avais adoré le diptyque « Le chien du heaume/Mordre le bouclier » et avait été délicieusement horrifié par « Gueule de truie ». Je me réservais pour d’autres moments ses autres romans quand je reçu « Quand on eut mangé le dernier chien » pour en faire une chronique. Je me jetais donc dessus avec avidité, une avidité destructrice donc puisque je suis sorti du roman ébranlé.
Le roman est une docu-fiction sur l’expédition de Mawson, Ninnis et Mertz en Antarctique en 1912. Le document est basé sur le rapport de cette expédition, la fiction sur le ressenti des membres de l’expédition durant cette aventure qui disons-le tout net ne s’est pas déroulée comme prévu.
D’un point de vue informatif, les descriptions de l’expédition nous mettent directement dans le bain. Bien qu’en été sous ces latitudes, les conditions météorologiques sont extrêmement dures, de nombreux obstacles s’interposent entre les explorateurs et leurs buts : blizzard, crevasses et autres sastrugi. Tout ceci retarde bien évidemment les aventuriers qui doivent compter sur leurs réserves de nourriture. Et quelle nourriture. Tout est à base de graisse, de chocolat, de viande séchée, le tout superbement décrit par Justine Niogret avec luxe de détails.
Les trois hommes ne sont pas les seuls héros du roman. Les groenlandais, race de chien très ancienne, sont des bêtes au tempérament étrange et sauvage. Ce sont des animaux de trait qui vont propulser les traineaux dans des conditions incroyables avec quelques scènes choc très impressionnantes. Le héros principal reste l’Antarctique, et ses pièges sans nom.
Puis c’est la série de catastrophes qui va réduire l’équipe de jour en jour.
Comme à son habitude, Justine Niogret excelle dans les descriptions crues, sans pudeur. Des scènes qui resteront gravées dans la mémoire de ses lecteurs et qui bafoue l’angélisme affecté des romans d’aventures vraies traditionnelles. Pas d’atermoiement, juste les faits magnifiquement balancés. Il existe des terres qui ne sont pas faites pour l’homme, même sous l’alibi de la science.
Mais pourquoi ces hommes qui sont des scientifiques éduqués, érudits se sacrifient-ils dans ces expéditions mortelles ? La réponse de Justine est claire : ce sont des drogués de l’antarctique, la vie ailleurs n’a pour eux aucun sens, il leur faut la neige, les vents glacés, des conditions de vie inimaginables pour qu’ils se sentent vivre. Et c’est effectivement la seule bonne raison.
Une fois encore Justine Niogret nous fait l’offrande d’un roman qui bouscule les idées reçues et laissera une empreinte de groenlandais dans chacun de ses lecteurs.
Jean-Hugues Villacampa