Née en 1991, Aylin Manço est une autrice belge qui a été lauréate du Prix du Jeune Écrivain en 2018 pour sa nouvelle Les noms d’oiseaux et du concours « émergences », organisé par La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, avec une autre nouvelle, Loubna s’en va. Chez Sarbacane, elle a publié Ogresse en 2020, puis Les éblouis deux ans plus tard. Le résumé nous en dit la chose suivante :
Quand Luce, une nouvelle élève au tempérament explosif, débarque à l’internat de Jamet, elle est bien décidée à bousculer le calme ambiant. Elle veut fonder un gang de rebelles, perdre sa virginité, et surtout débusquer le fantôme, qui, d’après la rumeur, hante le lycée. L’année démarre sous les meilleurs auspices, jusqu’à ce que chacun à leur tour, ses camarades développent des pouvoirs surnaturels. Troubles magiques, premiers émois… c’est le chaos à Jamet !
Les éblouis est un livre à la croisée des genres, entre fantastique, enquête et roman initiatique. Les différents aspects sont bien traités et ont chacun leur importance dans le récit.
Pour ce qui est du côté fantastique, le jeu est tout d’abord de deviner les pouvoirs spéciaux que nos huit protagonistes développeront petit à petit, grâce à des indices plus ou moins subtils. Mais ce qui peut apparaître comme amusant au premier abord (impression partagée par la bande d’amis, soit dit en passant) se pare vite d’une nuance plus inquiétante lorsque certains drames se produisent. Cette impression de menace est renforcée par la présence du fantôme teasé par le résumé, qui apparaît en pointillés pendant une bonne partie du livre. Bien entendu, tout est lié, et les chapitres « intercalaires » présentant une histoire autre que celle principale ne sont pas là pour faire jolis. C’est plutôt plaisant de voir toutes les pièces du puzzle s’emboîter avec autant de justesse à la fin du roman.
Mais Les éblouis n’est pas juste une histoire de fantôme et de pouvoirs magiques : le roman met aussi sur le devant de la scène des sous-intrigues liées à l’amitié et aux premiers amours… mais aussi et surtout à l’exploration de sa sexualité. Cela implique donc un certain nombre de scènes assez hot, la plume actuelle et parfois crue de l’autrice n’étant pas là pour se contenter d’effleurer le sujet. Nos huit protagonistes sont tous attachants à leur manière ; avoir fait le choix de les présenter d’un bloc n’enlève rien au fait qu’ils ont chacun leur propre personnalité et leurs propres désirs. Il ne s’agit donc pas d’une bande d’amis monolithique, la dynamique de groupe évolue constamment au gré des attirances et des rivalités. Néanmoins, l’amitié prévaut toujours, si bien qu’ils parviennent à présenter un front uni à la malédiction qui les frappe.
Roman destiné à des adolescents oblige, il est aussi à noter que Luce et ses camarades sont des rebelles dans l’âme. Qu’ils n’hésitent pas à enfreindre les règles garantit à l’intrigue une dynamique certaine et prévient toute longueur. Impossible donc de s’ennuyer : il se passe toujours quelque chose, sans que l’on n’ait l’impression que ça soit trop.
En bref, Les éblouis est un roman multiforme. Les amateurs de fantastique y trouveront leur compte grâce à la présence de phénomènes surnaturels (pouvoirs spéciaux et fantôme) ; les thèmes abordés, quant à eux, plairont aux adolescents – et sans doute aux plus âgés – car reposent sur l’amitié et l’exploration de sa sexualité. Ces différents éléments se marient à merveille et offrent au roman toute son originalité en plus de garantir une histoire mature mais sans prise de tête : en somme, de quoi garantir un bon moment de lecture !
Bénédicte Durand