Le sang et la chance, Hélène P. Mérelle – Éditions Bragelonne

Le sang et la chance est la seconde œuvre de fantasy écrite par Hélène P. Mérelle, et son premier one shot – L’automne des magiciens est en effet une trilogie. D’après le site de Bragelonne, la maison d’édition qui a publié ses livres, elle est agrégée de Lettres et passionnée depuis toujours de mythologie, les plus classiques comme les plus rares. C’est en effet ce que l’on remarque avec le résumé du Sang et de la chance :

« Milan, le demi-frère bâtard du roi hittite et l’un des chefs de son armée, a toujours été protégé par le dieu de la Chance. Mais demain se jouera une bataille décisive, durant laquelle beaucoup seront sacrifiés. Afin de sauver la vie de Maya, une éclaireuse indisciplinée bien trop jeune pour mourir, Milan choisit de conclure un pacte avec le dieu de l’Orage. Car dans le royaume d’Hattush, que l’on surnomme « le pays des mille dieux », il n’est pas rare qu’une divinité se mêle des affaires des hommes… Que veut donc Tarhunnir, le terrifiant dieu de l’Orage, en échange de son aide ?

Au cours de la quête périlleuse qui les réunit, Milan, Maya et leurs compagnons apprendront vite que les menaces humaines ne sont rien à côté de la colère des dieux… »

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le mot « originalité » est ce qui caractérise le mieux Le sang et la chance. La civilisation hittite, méconnue comme en témoignent les remerciements de l’autrice à la fin du roman, est de fait assez peu représentée en fantasy. Le sentiment de dépaysement que l’on ressent au cours de notre lecture est donc des plus rafraîchissants, mais sans que cette sensation de jamais-vu ne nous perde pour autant : le world building est développé comme il faut, avec des descriptions souvent brèves mais précises. Qu’il s’agisse de paysages, de religion ou même de politique et d’économie, Hélène P. Mérelle arrive sans peine à nous faire voyager et à donner de la consistance à son univers, sans que des connaissances préalables sur le peuple hittite ne soient nécessaires.

Ce qui est d’autant plus remarquable, c’est que Le sang et la chance est un one shot et que l’équilibre entre présentation de l’univers et déroulement de l’intrigue est parfait. La plume de l’autrice est fluide et légère ; les personnages s’expriment dans un langage courant, parfois avec humour, sans que ça nuise à la richesse du vocabulaire employé. De fait, les pages se tournent toutes seules, pas seulement grâce à la précision des descriptions, qui ne s’éternisent donc pas sur plusieurs pages, mais aussi grâce à l’histoire en elle-même, qui est assez captivante. Tout se déroule avec une logique des plus appréciables et on sent bien que l’autrice sait parfaitement où elle veut nous mener. Si l’on voulait vraiment être pointilleux, il faudrait prendre individuellement les difficultés rencontrées par nos protagonistes : on se rendrait alors compte qu’elles sont résolues d’une manière assez convenue, à une ou deux exceptions près. Ceci étant dit, ça ne gâche en rien la qualité de l’ensemble ; c’est même plutôt agréable de voir qu’un bon livre peut se passer de plot twists à gogo.

Dernière originalité du livre, les personnages, nos cinq protagonistes n’étant pour la plupart ni beaux ni surpuissants. Pour donner un seul exemple (le plus parlant), l’un d’eux, Vadir, est un apprenti mage et un véritable ivrogne qui pense avant tout à son intérêt personnel. Même si ça ne l’excuse en rien, ceci est dû à la manière (assez unique) d’utiliser la magie dans le royaume d’Hattush, et qui provoque une douleur telle qu’il vaut mieux la noyer dans l’alcool… du moins aux yeux de Vadir. Quant à ses compagnons, ils ont connu pour certains des épreuves difficiles qui les marquent encore au moment de la quête évoquée dans le résumé, comme Milan ou, dans une moindre mesure, Maya, amoureuse de lui mais qui doit faire face à son apparente indifférence – toute la question étant de savoir si Milan va réussir à surmonter sa souffrance pour répondre à ses attentes.

En bref, il s’agit d’un excellent roman de fantasy. Le cadre exotique contribue pour beaucoup à son originalité, de même que sa galerie de personnages assez atypiques et bien construits. Quant à l’intrigue, on pourrait regretter sa tendance à être parfois assez convenue, mais elle menée de manière tellement efficace que l’on peut passer volontiers sur ce défaut. Dernière chose, et pas des moindres, l’érudition de l’autrice et sa passion pour les mythologies oubliées, comme ici celle de la civilisation hittite, transparaissent à chaque page. On peut donc légitimement se demander sur quoi portera son prochain roman… Un autre peuple méconnu ?  

 

Bénédicte Durand

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