Eriophora, Peter Watts – Editions du Bélial’

Peter Watts est un écrivain de science-fiction originaire du Canada. Il a écrit une dizaine de nouvelles ainsi que plusieurs romans : on peut par exemple citer Starfish, sa première œuvre, publiée en 1999, ou « L'île » grâce à laquelle il a reçu le Prix Hugo de la meilleure nouvelle longue en 2010. Dans cette chronique, nous allons nous intéresser à Eriophora, paru en France aux éditions du Bélial en 2018.

Puisqu’il s’agit d’un roman de hard science-fiction, ce qui va suivre semblera probablement évident aux amateurs du genre ; je le précise malgré tout pour d’éventuels néophytes qui aimeraient se lancer dans Eriophora. Le vocabulaire scientifique est omniprésent, si bien que certains paragraphes m’ont été un peu hermétique. Ceci étant dit, si vous êtes plutôt calé en maths et en physique, ça ne devrait pas représenter une gêne. Et même si vous ne l’êtes pas, il y a quelque chose dans la plume de l’auteur qui vous accroche et vous empêche de lâcher le bouquin.

Malgré tout il est extrêmement aisé de comprendre le contexte (un équipage envoyé dans l’espace depuis des millénaires pour construire des portails de manière à relier chaque coin de notre galaxie) ainsi que l’histoire, qui aborde des thématiques plutôt intéressantes même si certaines sont éculées : le libre-arbitre et la place de l’homme par rapport aux machines, ainsi que la manière de s’affranchir de leur toute-puissance puisqu’une révolte se met rapidement en place contre l’IA qui contrôle (littéralement) toute vie à bord de l’Eriophora. On a même le droit à quelques moments assez intenses, notamment en termes d’ambiance, qui ne peut qu’être lourde à bord d’un vaisseau où tous vos faits et gestes sont surveillés par une entité omnisciente. Par ailleurs, ma grosse déception dans ce livre est que j’ai trouvé la fin assez mitigé : elle laisse trop de questions en suspense… Cette histoire mériterai une sorte de spin off afin d’étayer l’univers étendu de cette histoire.

Autre bémol qui peut être émis, les personnages m’ont laissé un goût de trop peu. Notre (anti)héroïne, Sunday, est plutôt intéressante car pas du tout « pro-révolte » dès le début du bouquin, ce qui change un peu de ce que l’on voit d’habitude ; Pareil pour les autres personnages humains qui m’ont semblé un peu trop lisses. Chimp, notre fameuse IA, s’en sort un peu mieux parce que l’on ne sait jamais sur quel pied danser avec lui : une sensation de malaise ressort de la plupart de ses interactions avec Sunday parce que l’on n’est pas fixé sur ses motivations ni sur ce qu’il est vraiment. (N’est-il vraiment qu’un programme informatique qui ne fait que suivre les directives qu’on lui a données, ou est-il un peu plus que ça ?) Mais n’est-ce d’ailleurs pas la raison de ces personnages humains trop décoratif ? d’attirer notre attention et notre réflexion non sur l’intelligence humaine, mais sur celle dite « Artificielle ». Bien que construite par des ingénieurs, n’a-t-elle pas pu se libérer de sa condition et évoluer loin de toute hypothèse « trop humaine » ?

Ici, nous touchons du doigt à l’apothéose de la SF, elle en devient prospective. Finalement, la SF nous en mangeons jusqu’à l’écœurement dans presque tout ce qui nous entoure : réalité virtuelle, blockbuster cinématographique et énième réadaptation d’un classique littéraire, (mais cette fois, en série pas en film, attention !) Les réactions humaines, nous les connaissons, nous les anticipons et elle ne nous surprennent plus. Mais l’artificiel ? encore une hypothèse sauvage sur laquelle nous pouvons rêver ou cauchemarder.

Eriophora est donc un livre de hard SF assez accessible grâce aux thématiques qu’il aborde et qui devraient parler à tout le monde, mais aussi grâce à son format (200 pages, ça aide à s’accrocher). Pour autant, le vocabulaire scientifique omniprésent peut constituer un obstacle non négligeable pour un phobique des maths et de la physique en lui donnant l’impression qu’au terme de sa lecture, le lecteur sera passé à côté de certains pans de l’histoire et du décor. Ce qui m’amène à évoquer une surprise encore plus motivante que la thématique ou la force de l’histoire en si peu de pages: une surprise sous forme de lettres rouges qui devrait normalement vous mener à quelque chose de bien plus. Amateur de SF, d’anticipation ou d’histoires de révolte et/ou d’intelligence artificielle, vous devriez vous y retrouver !

 

 

Bénédicte Durand

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