Un reflet de lune – Estelle Faye

 

Un reflet de lune… De quoi ça peut bien causer ? Voilà un petit résumé pour vous aider à y voir plus clair :

 

« Paris, un siècle après l’apocalypse.

La capitale est plongée dans les pluies de printemps et Chet, dans une affaire qui le dépasse.

Des sosies apparaissent pour lui faire porter le chapeau de crimes dont il est innocent. Du lagon du Trocadéro au repaire lacustre des pirates de la Villette, Chet arpente les bords de la Seine en crue à la recherche de ces mystérieux doubles, autant que de lui-même. »

 

On peut aussi souligner qu’Estelle Faye est l’autrice de nombreux ouvrages tels que les Seigneurs de Bohen ou la Voie des oracles pour n’en citer que deux, et a également remporté plusieurs prix.

 

Un reflet de lune n’est pas le premier roman qui voit apparaître Chet. Avant toute chose, je dois donc vous avouer ne pas avoir lu un Éclat de givre, le fameux livre qui se passe dans le même univers que celui qui nous intéresse ici. Pas d’inquiétude à avoir : le bandeau ne ment pas, je ne me suis pas sentie paumée une seule seconde… Enfin peut-être un peu quand même, mais ça n’a sans doute aucun lien… je suppose.

 

C’est un peu bizarre de commencer une chronique par ce qui m’a laissée le plus dubitative (et puis ce n’est pas dans mes habitudes), mais puisque c’est de toute façon le seul point vraiment « « négatif » » que j’ai à soulever, autant le faire maintenant. J’ai trouvé l’univers imaginé par Estelle Faye un peu flou. Dans quelles conditions s’est passée cette Apocalypse plusieurs fois mentionnée ? À part Paris et les Terres Vides, n’y a-t-il plus aucune présence humaine sur Terre ? Et comment s’organise précisément la vie dans Paris ? Maintenant, vous vous demandez sans doute pourquoi j’ai mis deux guillemets à négatif (non, vous vous le demandez sans doute depuis le début). Tout bêtement parce que ce manque de consistance ne m’a pas tant dérangée que ça. Oui, ça manque parfois de détails, mais ça reste tout de même assez facile de combler les trous grâce à la magie de votre imagination… et tant pis si ce n’est pas exact.

 

En plus, il y a tellement de bonnes choses dans ce bouquin… Ça serait dommage de rester bloqué sur cette impression de vague. En ce qui concerne l’intrigue, tout d’abord, je vais être honnête : je me suis sentie comme une équilibriste pendant quasiment tout le livre. L’histoire me captivait, la plume de l’autrice m’envoûtait et, du coup, j’avais peur que la chute ne soit rude si quelque chose venait briser ce fragile équilibre. Je ne voulais pas être déçue. Ça m’arrive rarement, mais je ne voulais surtout pas que la fin me fasse lâcher un : « quoi, tout ça pour ça ? »

 

Il faut dire aussi que l’intrigue est assez ambitieuse, le résumé n’annonçant qu’une infime partie d’un réseau plus vaste de sous-intrigues qui sont toutes plus importantes les unes que les autres. Le génie d’Estelle Faye est d’avoir réussi à manier chacun de ces fils avec brio, sans en lâcher en cours de route, et de les avoir raccordés avec une précision de virtuose. Même si des indices sont donnés au compte-goutte, les révélations finales viennent d’un coup pour la plupart mais ne m’ont pas fait l’effet « gros-pavé-indigeste-dans-ta-tronche » que je déteste tant dans les livres. Elles sont amenées naturellement et ça ne prend pas dix pages pour les détailler. Cerise sur le gâteau, elles m’ont paru logiques. En fait, ça résume plutôt bien l’ensemble du livre : tout y est cohérent et bien amené, malgré quelques scènes qui m’ont semblé un peu trop forcer la main à l’intrigue (comprenez : des scènes nécessaires pour la faire progresser, et même tellement nécessaires que ça n’en devient plus très subtil).

 

À côté de ça, qu’avons-nous ? Chet. Ses compagnons. Ça serait triste de les oublier, surtout que Chet est le narrateur… Un narrateur des plus atypiques. Je me suis plutôt attachée à lui, et pas seulement parce que j’ai eu l’heureuse idée de vouloir commencer ce livre alors que j’étais malade comme ça ne devrait pas être permis (du coup, forcément, vu que Chet n’est lui-même pas très en forme au début du bouquin… ça crée des liens). Notre héros a aussi pour lui de ne ressembler à personne de connu. Personne de ma connaissance, du moins. Homme et femme tout à la fois, qui fait ce qui lui chante en matière d’amour et de sexualité… Je ne sais pas ce que ça dit de moi, mais j’ai trouvé ça tout à fait normal (je parle surtout pour la deuxième partie de ma phrase). C’est peut-être parce que j’ai eu des relents de Drakengard 3, un jeu qui ne parlera à personne mais dont l’héroïne est elle-même quelqu’un de très libre, ou alors vraiment parce qu’Estelle Faye arrive à amener ça de manière naturelle. Avoir adopté le point de vue de Chet y participe forcément, remarquez. En-dehors de ces quelques particularités, je n’ai pas grand-chose à redire sur lui. C’est plus un antihéros qu’un héros, qui se retrouve embarqué malgré lui dans tout un tas d’aventures parfois délirantes, mais qui parvient à s’en sortir en réussissant parfois à en tirer un bénéfice (la plupart du temps en nature).

 

Pour ce qui est des autres personnages, je ne m’y suis pas plus attachée que ça. C’est peut-être là que se font le plus sentir mes lacunes sur le monde de Chet ? Aucun n’a vraiment retenu mon attention. Même s’ils ont quelques caractéristiques qui les distinguent (souvent physiques), je n’ai pas eu l’impression que l’un d’eux en particulier tirait son épingle du jeu. Pour les scènes d’émotion du grand final, ce fut un peu étrange de ne me pas sentir plus attristée que ça alors que je suis normalement assez émotive quand je lis.

 

 

Je n’avais pas pensé faire une chronique aussi longue sur un livre d’une taille somme toute assez raisonnable, mais quand on est lancé, on est lancé… Comment résumer tout ça maintenant ? D’abord en disant que c’est un très bon livre. La plume très particulière d’Estelle Faye m’a envoûtée quasiment dans le sens propre du terme et ce, dès les premières lignes. Tout aussi atypique, notre héros, Chet, qui va se faire bringuebaler aussi bien que nous dans une intrigue tortueuse et aux ramifications multiples. On pourrait se sentir vite perdu mais non, l’autrice sait parfaitement où elle conduit sa barque. De l’ensemble se dégage un agréable parfum de cohérence malgré un léger flou en ce qui concerne le cadre de l’intrigue. Dans ces conditions, pas besoin de vous le dire : si vous aimez Paris, la pluie et la vase ainsi que les romans d’action, je ne peux que vous recommander Un reflet de lune.

 

Bénédicte Durand

 

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