C’est avec un enthousiasme qui n’a d’égal que ma joie que j’ai commencé ce livre. Il faut dire que Gabriel Katz fait partie de mes auteurs fétiches dont j’attends, avec une impatience renouvelée, les nouveautés qu’il aime, par le plaisir purement sadique propres aux auteurs, faire désirer de son lectorat. Ayant eu vent de sa sortie un peu en avance, j’en ai profité pour me replonger dans le premier tome. Si vous n’avez pas eu le temps de faire de même, pas d’inquiétude je vais vous rafraîchir la mémoire, mais pour ceux qui ne l’ont pas lu, Attention : Spoiler.
Tout se passe en Goranie. Il fut une époque où ce pays était grand, était puissant, peuplé de féroces guerrier et de valeureux régents. Mais ce temps n’est plus, la corruption, la cupidité et la fainéantise ont eu raison de l’âme de ce royaume. Tout a basculé le jour où les Traceurs sont descendus de leur montagne où réside leur empire. Ils ont déferlé sur la Goranie, éradiquant toute tentative de défense ou velléité de contestation. Ils ont pris le contrôle du royaume tout en laissant le pouvoir en place, interdisant juste les anciennes croyances et plaçant quelques-uns de leurs seigneurs aux postes clés de l’administration locale. Puis le temps a passé, la rancœur et la révolte aussi. Pour fêter l’état pacifique de cette occupation les conquérants décidèrent de faire un geste en célébrant un mariage, dans l’un des villages paysans du royaume, avec les anciennes traditions. Mais du fait de l’irascibilité et de la cupidité des puissants, ce qui devait être un jour de fête devint un jour de deuil.
La mort d’un paysan permet la naissance du Fantôme et par lui, l’aube de la rébellion. Pragmatique, il comprend que sa révolte n’arrivera à rien sans l’aide de mercenaires de métier. Le Fantôme engage donc un gladiateur professionnel au doux nom de Desmeon et une maîtresse de guerre nommé kaelyn. Le hasard fait qu’ils arrivent à une réunion secrète en même temps qu’un maraîcher. Coïncidence ? Je ne crois pas. Et pour cause : ces trois personnages sont les héros des autres séries de l’auteur. Lors d’une de ses missions de ravitaillement, le maraîcher (du nom d’Ollen pour ceux qui n’aurait pas suivi) ramène, en plus des denrées, une nouvelle recrue qui se révèle être la princesse héritière de Goranie. C’est grâce à ses informations et indications que la rébellion gagne en importance et en efficacité. Le premier tome s’arrête à un moment où coïncident la fuite de la princesse et l’attaque du camp par un groupe de Traceurs.
Le second opus s’ouvre donc sur une scène de combat sylvain, emplacement du camp dissimulé, où notre maîtresse de guerre montre l’étendue de ses capacités en éliminant la quasi totalité des attaquants, mais pas la raison de leur présence. La future reine aurait-elle décidé de bafouer ses promesses et de vendre les rebelles en échange de la couronne ? Ne pouvant écarter cette possibilité, Kaelyn prend peu à peu la place de numéro deux de cette résistance et commence à organiser les mouvements et les actions plutôt que de se contenter des conseils qu’elle donnait jusqu’à présent. Refusant de croire à la traîtrise de la princesse, Ollen se décide à mener l’enquête sur sa fuite tout en continuant ses missions de ravitaillement. Quant à Desmeon le gladiateur professionnel, il s’est mis en tête de défier et de tuer Akhen Mekhnet en combat singulier dans l’espoir que la perte de leur grand chef mettrait fin au désir de conquête des Traceurs. Chacun à leur niveau ces trois héros œuvrent pour que cette rébellion s’arrête le plus vite possible (avec leur camp comme vainqueur). Du fait de leurs expériences respectives, ils savent très bien que leur mouvement n’a aucune chance sur la durée face à une armée aussi organisée et disciplinée que celle des Traceurs.
On le sent bien, il y a un changement de rythme entre le premier et le second tome. Dans ce dernier, il n’est plus question de savoir si les personnages sont du bon côté du conflit civil mais bien des moyens de parvenir à leurs objectifs. Les personnages n’évoluent plus conjointement et ce qu’ils perdent en synergie, ils le gagnent en indépendance et permettent ainsi au lecteur d’en apprendre un peu plus sur ce monde créé par Gabriel Katz à travers trois milieux bien distincts. Le plus intéressant et inédit restant celui du royaume des Traceurs (le voyage de Desmon). Si on avait déjà des indices durant le premier tome, les références à Gengis Khan conquérant la Chine sont bien plus nombreuses dans ce tome-ci et nous permettent de relativiser sur ce peuple fier et féroce. Quant à la fin, je dirai qu’elle est du Gabriel Katz à son paroxysme : un arrêt net dans le rythme fortement soutenu, qui nous tenait en haleine dans tout le reste de l’œuvre, pour reprendre son souffle et ouvrir ce monde (et ses héros) à de nouvelles aventures. Reste plus qu’à ronger son frein en attendant la prochaine nouveauté.
Pierre-Marie Soncarrieu