… qui n’a d’abominable que le nom (nous
l’appellerons donc CC).
L’abominable Charles Christopher est une ode à la nature, rien que par la beauté et la justesse du coup de crayon de Karl Kerschl. L’histoire se déroule au sein d’une forêt densément peuplée de petits et plus gros animaux. CC est un être à part, ni humain, ni animal. C’est un être solitaire. CC ne parle pas. La grandeur des êtres ne résident pas dans les mots.
Chaque habitant de la forêt revêt un rôle, possède un caractère et des préoccupations humaines. L’homme dans son humanité (bonne et mauvaise) est représenté par la faune sauvage. L’homme pour lui-même est cantonné à son inhumanité. L’homme tue, l’homme emprisonne, l’homme maltraite.
CC est un être profondément doux, empathique, altruiste, soucieux du sort des plus faibles que lui. C’est un personnage contraste. Contraste avec les autres habitants de la forêt par son physique atypique assez peu engageant, alors que les autres animaux sont croqués avec soin et réalisme. Contraste par son caractère, loin des futilités et de l’égoïsme de certains autres. Contraste avec les hommes.
Attiré par un étrange regard qui luit dans la nuit, des voies qui s’élèvent dans la forêt, il se met à courir sans savoir vraiment où aller, ce qui l’amènera à une lourde responsabilité. Une mission mystérieuse, confiée par des animaux non moins mystérieux repose désormais sur ses épaules.
Il y a comme un air Miyazakiesque. Un ours blanc et un vieux lion dans le rôle du dieu cerf « faiseur de montagne » de l’animé Princesse Mononoke. Une forêt à sauver. Mais pas seulement. Une mythologie amérindienne- nord-américaine, celle du sasquatch mi-homme, mi-singe et même pour certains, vestige anthropomorphe du monde préhistorique. Et puis le monde propre de l’auteur bien sûr.
Il n’y a qu’à retourner le livre pour trouver le mot, mais il n’y en a pas qui convienne mieux, l’abominable Charles Christopher est une histoire étourdissante. On est un peu perdu, autant que CC doit l’être, trimballé entre un ours magique, un tourbillon de plume, des compagnons de passage et des histoires annexes qui se greffent au fil des pages en parallèle. On en oublie presque la mission.
Karl Kerschl signe une bande dessinée récompensée du prix Eisner en 2011 en tant que « Best Digital Comics » *meilleure bande dessinée en ligne. C’est un artiste canadien qui a notamment travaillé pour DC Comics books. En 2007 il se lance dans la webcomic « The Abominable Charles Christopher », dont il publie une partie tous les mercredis.
L’étrange fin du roman, la mission en suspens, nous laisse impatients de retrouver CC pour la suite de ses aventures.
Elise Haroche