Thomas Geha fait partie de ces écrivains que l’on devrait attacher à sa chaise devant son ordinateur pour écrire. Car lorsqu’on le laisse seul, il travaille à toute autre chose que l’écriture : éditeur, libraire, célibataire, ami, bref toutes les bonnes raisons de ne pas écrire.
Alors que…
Le bonhomme est capable de tout dans l’écriture : fantasy, science-fiction, polar jeunesse, sans oublier de stupéfiantes nouvelles dont celles que vous trouverez dans un recueil tout à fait atypique mais d’un goût sûr : « Les créateurs » paru chez Critic et dont la non-possession dans sa bibliothèque ne provoquerait qu’un énervement passager à mon endroit. Le temps de vous dévorer de la manière la plus méprisante possible. L’aventure Alone a commencé chez Rivière Blanche en 2005 et l’intégrale se compose des romans « A comme Alone » et « Alone contre
Alone », partagée d’une nouvelle « L’ère du Tambalacoque », et se termine par une autre « Le silence est d’or ».
Autant dire que l’on suit les aventures de Pépé et ses compagnons de passage dans de longues et passionnantes aventures sur une Terre en période post-apocalyptique. Le recueil n’a fait que trois soirées mais l’immersion dépasse le temps de lecture et si dans vos rêves vous croisez un Tyrannosaure géant sur une autoroute crevassée encombrée de ruines automobiles et encadrée de végétation étrange, sortez immédiatement de là, vous êtes dans MON rêve ! Pépé est un Alone, un errant parfaitement entraîné à la survie dans le monde hostile (comprenez initié au combat, à la chasse et la pêche, …). La Terre a été dévastée par un cataclysme de nature mal définie mais qui a laissé des traces : mutation, anthropophagie… Les survivants pour certains d’entre eux se sont regroupés en communautés surnommées péjorativement « les rasses ». Ces groupes sont généralement sous la domination de petits dictateurs sans pitié. Les Alone ont choisi de vivre en solitaire ou en petits groupes qui se font et défont en fonction de leurs affinités ou objectifs.
Nous trouvons donc Pépé prisonnier de l’un de ces groupes coincé dans un pilori et appelé à terminer roti pour le festin du soir. Mais c’est sans compter l’ingéniosité du bonhomme qui se sortira tout le long de ses pérégrinations de situation bien plus complexe. A première vue les romans semblent être une succession de situations souvent très originales qui auraient pu faire d’excellentes nouvelles, mais Thomas Geha est un astucieux entourloupeur de lecteurs et l’implantation de situations sans rapport évident suit un fil scénaristique précis qui s’étoffe au cours du récit pour former un tout d’une unité et d’une cohérence stupéfiante. Comme toujours, la profondeur des personnages est là et Grise en est ’exemple typique, mentor, maîtresse, amie, équipière du héros, sa présence illumine l’ouvrage. Les surprises sont de taille : des jumeaux télépathes que l’on croit vraiment mauvais, un arbre géant ambulant qui souhaite le bonheur de l’humanité. Même un Jean-Hugues qui se fait bêtement abattre d’une flèche comme si c’était si simple.
Les communautés se suivent mais ne se ressemblent pas et j’ai une petite faiblesse pour les Arkéos qui se déplacent en convoi de chariot et dont le mode de fonctionnement est particulièrement sympathique. Alone pourra vous le dire.
Une fois encore une vision réaliste d’une situation irréaliste sans manichéisme et sans compassion mais avec toujours cette nuance d’optimisme et d’humour qui est la signature récurrente de l’auteur.
Alone est un hommage déclaré à Julia Verlanger et l’élève pourrait bien dépasser le maître.
Alors, lisez-le ! Ou je vous bouffe…
TYRANNOSAURUS IMPERIUM