Quand, comme Rageot (et quelques autres avant eux) on prend des routards de la fiction pour faire du roman pour ados, ça se sent. Marin Ledun en est un exemple parfait. Ce fondu des nanotechnologies nous mitonne ici un thriller fantastique aux petits oignons. Et une fois encore, pour cette collection que je n’hésiterai pas à qualifier d’exceptionnelle, ne dépareillerais pas dans une bibliothèque « adulte ». Valentine est épileptique et doit survivre avec sa maladie qui la marginalise bien plus que se promener avec une casquette à l’envers, une grosse voix et un rictus agressif. Ses rêves tournent autour d’un labyrinthe de portes où elle retrouve un jeune homme qui la sort de son cauchemar. Ses parents décident de la confier à un lycéeclinique expérimental où d’abord réticente, elle apprend que sa « malédiction » est un don et où elle rencontre le jeune homme de son cauchemar. Mais de quel don s’agit-il ? Le professeur Hughling (« faiseur d’étreintes »?) va faire découvrir à Valentine l’envers du monde que seuls les « épileptiques » peuvent discerner. Ce sont « les autres » qui avancent dans leurs vies sans percevoir que leurs voies sont tracées en fonction d’événements qu’ils ne maîtrisent pas. Valentine est une hyper-douée qui s’ignore. Avec l’aide de ses amis au comportement parfois étonnant, et du professeur, elle va s’engager dans ce couloir labyrinthique afin d’en comprendre le fonctionnement et sa raison d’être. Mais la descente aux enfers de l’avenir n’a-t’elle pas une raison toute proche ? Trop proche ? Comme souvent avec Marin Ledun (que nous verrons bientôt, je l’espère, à l’une des conventions imaJn’ère) les niveaux de lecture sont nombreux. Au delà du conte se dresse une vision très sombre de notre avenir social tempérée par un espoir qui repose essentiellement sur la jeunesse, la place qu’elle a à prendre dans un monde d’adulte fermé et l’implication de chacun dans nos responsabilités sociales. Valentine est une des lumières du monde du roman. Apeurée, sans motivations, enfermée dans sa maladie, elle a à apprendre son autonomie et sa puissance dans un univers où elle pensait ne pas avoir sa place. Une renaissance par la prise de conscience de son importance et de ses implications et responsabilités dans la société qui nous entoure. N’est-ce pas le cas de tout-unchacun ici bas ?
JEAN-HUGUES VILLACAMPA