Dans Mickey7, l'immortalité a un prix : la mort.
Edward Ashton, professeur de physique-quantique aux États-Unis, signe avec Mickey7 un roman de science-fiction assez court et plaisant qui aborde les thèmes (classiques il faut l'avouer) du colonialisme et du transhumanisme. Toutefois, le travail de « consommable » du protagoniste, au cœur de l'intrigue, soulève une dimension philosophique passionnante sur la mort et la figure de l'altérité.
Mickey Barnes provient de Midgard, une planète colonisée prospère où la vie y est plutôt agréable. Cet homme d'une trentaine d'années, ayant suivi une formation d'historien, va pourtant faire partie d'une mission de colonisation sans perspective de retour en qualité de « consommable », c'est-à-dire un homme à tout faire — surtout à mourir —, dont la conscience est téléchargée et réintégrée dans un nouveau corps identique au précédent après chaque infortunés décès (une « bioréplication »). Nous suivons le point de vue de Mickey7, la septième version depuis la mort du Mickey original, sur une planète de glace nommée Niflheim. (Le clin d’œil à la geste scandinave sera récurrente tout au long du roman, et si cela peut paraître peu original — souvenons-nous de Stargate ou encore Battlestar Galactica —, la dimension mythologique n'en est pas moins appréciable et rappelle également le programme spatial de la NASA Viking sur la recherche d'une vie sur Mars en 1975.) Lors d'une mission où il est déclaré mort par erreur, son double, Mickey8, est répliqué. Mais dans un contexte où chaque calorie est rationnée, un « multiple » ne sera pas toléré.
Sur cette planète hostile, les colons font face à un problème de taille : des vers de glace dont les mâchoires sont capables d'entamer l'acier le plus épais. Entre alors en jeu cette seconde intrigue, qui dynamise le récit en arrière-plan de l'histoire et des flash-backs de la vie de Mickey. Ces vers sont-ils doués d'intelligence ? Cette question qui préoccupe notre narrateur rappelle évidemment la controverse de Valladolid, tenue en Espagne au XVIè siècle de notre ère, très habilement réécrite par l'auteur de SF John Scalzi dans La controverse de Zara XXIII (L'Atalante, 2018).
Le récit alterne alors entre de rares scènes d'actions et la vie sociale et professionnelle de Mickey7, qualifié par une partie des colons comme un « fantôme » ; les natalistes religieux le considèrent comme une abomination de la nature, et ses rares amis ne réfléchissent pas aux conséquences psychologiques de ses « réincarnations » forcées. Seule sa compagne se soucie de son sort.
Les amateurs de SF retrouveront dans Mickey7 tous les ingrédients pour un cocktail réussi : un lexique et des explications scientifiques propres à la science-fiction, de la gestion de stations coloniales, des voyages interstellaires, des réflexions philosophiques sur le devenir de l'espèce humaine, et même un soupçon de xénologie... sous la plume légère d'Edward Ashton. Si ce roman vous plaît, je vous conseille en lecture complémentaire Carbone Modifié de Richard Morgan (Bragelonne).
L'éditeur nous informe en quatrième de couverture qu'une adaptation au cinéma verra bientôt le jour, réalisée par Bong Joon-ho (Parasite) avec Robert Pattinson dans le rôle principal.
ASHTON Edward, Mickey7, éd. Bragelonne, trad. Benoît Domis, 2022
Manon Tardy