Marie-Lorna Vaconsin, sache que je t’en veux. La chronique commence dure, mais j’ai mes raisons et je puis t’assurer qu’elles sont bonnes et pas aussi négatives qu’on pourrait le penser. En effet, je t’en veux, à demi-mot, pour ton talent, à cause duquel j’ai un bon nombre d’heures de sommeil en moins ces derniers temps. Quelle idée d’écrire des histoires aussi passionnantes ? Sans les finir qui plus est ?
Pour commencer, laisse-moi te rafraîchir la mémoire : il y a maintenant un an, je faisais ta connaissance dans le plus grand salon de science-fiction européen et j’y découvrais ton œuvre que je m’empressai d’acquérir à l’époque. Je dois confesser que ta couverture, enfin celle de ton livre bien entendu, n’était pas parmi les plus alléchante ou aguichante de mes emplettes utopiques. Il faut avouer que c’est un élément extrêmement important pour moi, surtout par les temps qui courent, une couverture. Mais après notre entretien et avoir assisté à une discussion avec ton voisin de dédicace, le loquace et inénarrable Arnaud Cuidet, je me dis que j’avais tout à gagner à connaître ton univers imaginaire et dès le premier soir de repos post salon je me plongeais dans tes pages. Au fil de tes lignes je me disais qu’il fallait absolument que je chronique ce livre. Et arrivé à la fin je fus convaincu de la nécessité de parler de cette expérience chronophage et ô combien plaisante. Je m’y attelai mais à l’image de Beethoven, laissa ce travail inachevé en raison d’autres priorités. Ton livre, bien que terminé, trôna longtemps sur le sommet de ma PAL, pour me rappeler que tout autant dévoré qu’il avait été, la digestion n’en était pas finie. Et puis, il y a peu, sur un célèbre site de réseau social, je tombai sur ton profil en suggestion de contact. C’est par ce biais que je découvrais avec étonnement et total stupéfaction que le deuxième tome sortait bientôt, dans des dates proches de la 20ème édition de ce salon incontournable. D’ailleurs à l’instant où je fais cette chronique, il est sorti depuis un peu plus d’une semaine.
A la perspective de notre émission radio, je profitai du temps qu’il me restait pour relire ton roman, réajuster ma chronique si besoin et te honnir une fois de plus. Dès la première page, rebelote : impossible de fermer l’œil ou le bouquin, tant que je ne l’avais pas fini. Pourtant, je connaissais l’histoire, l’intrigue était déjà éventée, les péripéties m’étaient connues, mais rien à faire. Quand ce livre se perd dans vos mains, il vous prend la tête, il vous prend aux tripes et ne vous lâche qu’une fois la dernière ligne lue. Pourtant, tu nous préviens en quatrième de couverture, ce livre s’adresse spécialement à tous les orphelins de la croisée des mondes de Pullman. Et leurs effets de lecture sont semblables, à savoir : addiction à l’objet, sensation de manque lorsqu’il est posé mais pas terminé, objet de réflexion lorsqu’on s’en tient éloigné. Bref pas loin d’une drogue.
Dans ce roman, tu prêtes ta plume à la voix d’un jeune homme baptisé Pythagore, fils d’une prof de mathématiques et d’un ingénieur en physique quantique. Un ptit jeune, semi breton, au nom méditerranéen qui vient de rentrer en seconde. Après une rentrée tardive due à une maladie bénigne, il se rend compte avec stupeur et désarroi que sa meilleure amie, Louise de son ptit nom, est beaucoup moins studieuse et sérieuse que lorsqu’il l’avait quitté avant les vacances. La faute, sans aucun doute à cette petite nouvelle dans la classe, une fille aux cheveux rouges nommé Foresta Erivan.
Ce fait n’est guère étonnant : il faut toujours se méfier des femmes aux cheveux rouges. Tu pourras d’ailleurs demander à notre ancien président, l’illustre Jean Hugues Villacampa, ce qu’il en pense, mais je m’égare.
C’est donc un début d’année très mitigé pour Pythagore, qui en plus de subir les moqueries de ses camarades (sa mère est prof dans sa classe, suivez un peu voyons) voit sa meilleure amie et soutien moral prendre de la distance. Heureusement, une maigre consolation mais une consolation tout de même est là, il sera DJ pour la fête de son village. Et ça, pour sa cote de popularité, c’est pas rien.
L’histoire aurait pu en rester là, tu aurais pu t’en tenir à nous conter les histoires banales, ou sentimentales, voir les deux en même temps, de ce trio de jeunes lycéens. Mais ça aurait été tout sauf fantastique. Ce moment, cette boom, est l’événement où tout bascule, où tout s’enchaîne dans un rythme soutenu et haletant. Car à la suite de cette prestation, Foresta, se précipite vers Pythagore et lui annonce une nouvelle catastrophique : Louise a disparu. Et Foresta a besoin de Pythagore pour la sauver au péril de sa vie. C’est à ce moment-là que tu nous fait plonger dans ton imaginaire.
Et pour cela, tu fais voyager le duo infernal à travers ce que tu appelles « l’angle mort ». Chers lecteurs, essayez d’installer en face à face deux surfaces réfléchissantes. Vous y verrez donc un reflet reflétant un reflet qui reflété un reflet lui-même reflété par un reflet et cetera, et cetera, vous verrez, vous finirez par avoir mal à la tête, c’est scientifique vous dis-je. Et heureusement car ça veut dire que vous êtes normaux. Mais Foresta et Pythagore, pas vraiment. Bref je continue. L’expérience est intéressante mais pas innovante. Maintenant, mettez-vous pile entre les deux surfaces. Dans cette configuration, vous aurez une pleine vision de ce que vous renvoie le miroir face à vous, y compris le reflet du miroir dans votre dos. Seul reste caché ce que votre silhouette obstrue. C’est ce qu’on pourrait appeler un vide dans le champ des perspectives et c’est ce que tu appelles « l’angle mort ». C’est par ce chemin que tu fais traverser les dimensions à ce duo d’aventuriers. Et que tu nous embarque dans une épopée merveilleuse bien que périlleuse.
J’espère que cette approche vous donnera envie de vous perdre dans ces pages, et entre leurs mondes. Pour ma part, j’ai rendez-vous bientôt avec le deuxième tome. De nombreuses nuits blanches et plaisantes en perspective.
Pierre-Marie Soncarrieu