Le Bouquiniste a lu cinq fascicules de la collection Aventures au Carnoplaste (1).
Comme vous le savez, Robert Darvel, le grand manitou des éditions du Carnoplaste a un côté farfelu, qui lui permet une certaine forme d’originalité d’une grande partie de ses publications.
Dans la série, un concept original, la collection Aventures. En plus d’être un hommage à la défunte collection « Mon roman d’aventures » chez Ferenczi, l’idée est de laisser un auteur se débrouiller à créer une histoire en 50 000 signes basée sur une illustration de couverture de Frédéric Grivaud et un titre avec le pitch suivant : « doit se lire aux toilettes, ne pas hésiter à changer de genre en chemin » et me concernant « quinze jours, si tu le veux au prochain imaJn’ère (2017) ».
Loyola de la Jungle (N°2) par Jean-Hugues Villacampa
Dans la série « on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ». En premier lieu, j’étais très content d’affronter ce défi car il faut le savoir, je ne suis capable d’écrire que sous contrainte. J’ai quatre nouvelles et deux romans en cours ! J’ai donc décidé de m’auto-contraindre par un planning d’écriture que je tiens aujourd’hui à peu près. Bon OK, j’ai commencé il y a trois jours…
Je ne vais, bien entendu, pas chroniquer la bête, juste vous donner le déroulé de ce qui s’est passé. Un jésuite dans la jungle !! Je me suis dit que ce serait sympa de rendre hommage à Jules Verne et Edgar Rice Burroughs et un peu Rimbaud pour le fun. Que ce soit un pur roman d’aventures et d’actions au premier degré et une bouffonnerie au second, taquiner l’esprit militaire et enfin démarrer l’action dans le département du Nord, histoire de saluer mon frère Bruno qui est né là-bas et Sabine Pinbouen, valenciennoise de son état et épouse de mon vieux complice Jacques qui nous a permis de monter Phénomène J dans le Quartier Latin il y a … vingt-deux ans aujourd’hui. Sabine a d’ailleurs corrigé quelques phrases en ch’ti que prononce l’un des protagonistes du premier chapitre.
Vous trouverez donc dans le désordre : des grands singes, des ch’tis alcooliques, un jésuite de l’Empire colonial, des soldats romains, un prototype de zeppelin, des GI du Vietnam, des expériences psychotropes et plein d’autres choses ! Je sais que je ne suis pas un génie de l’écriture mais mon lourd passé rôlistique m’a donné un sens de l’action soutenue que je me suis fait un plaisir de déchaîner dans ces 50 000 signes. N’hésitez pas à me faire vos commentaires. J’ai eu quelques chroniques très élogieuses dont je suis très fier.
Les frères Swamp (N°15) par Julien Heylbroeck
Encore un angevin ! Julien est un ancien secrétaire d’imaJn’ère et je le connais donc bien. Il a travaillé avec moi dans le cadre de l’association comme chroniqueur dans nos fanzines et à la radio. Il mettait la main à la pâte dans les festivals. Il était déjà un auteur de jeux de rôles reconnu et venait de publier un Green Tiburon au Carnoplaste crois-je…
Julien est un cracheur de signes comme pouvait l’être les Frédéric Dard et Simenon. Son écriture s’affine avec les années et je suis son parcours avec attention, et c’est pourquoi je me suis précipité sur son fascicule avec gourmandise.
Monsieur est un immense fan de Joe R. Lansdale et le fascicule lui rendrait hommage que je ne serai pas autrement surpris. Pas de Harp Collins et Leonard Pine mais… Pas loin. Le titre et l’illustration m’aurait moi aussi poussé vers la Louisiane et c’est avec grand plaisir que je me suis baladé dans cette région pleine de mystères et de dangers décrite par Julien.
Beau et Akardelfy Bidonneau sont deux frangins qui ne s’apprécient plus guère. Beau semble un peu jaloux du succès de son frère policier dont la tête est celle d’un alligator et sur lequel un film va bientôt sortir. Il va falloir aller au-delà de la rancune car quelque-chose se réveille dans les marais et eux seuls, en compagnie de Legba le rat de Beau, ont la possibilité de l’arrêter. Legba est doté de pouvoirs un peu spéciaux. Son nom doit y être pour quelque-chose puisque c’est celui d’une des puissances vaudous issu du nom d’une divinité ancienne du Dahomey. (Et Julien est un grand fan des rats !). Les frères vont baigner dans l’ambiance pesante des marais de Louisiane et avec l’aide du Vaudou vont se lancer à l’assaut d’une menace bien glauque. Un scénario un peu linéaire mais délicieusement mouvementé pour cette histoire où les fans de gore trouveront leur compte. Sans oublier l’humour distillé avec subtilité.
Prisonniers des serpents (N°9) de Nicolas Henry
Je ne connais de Nicolas Henry que son travail d’anthologiste chez Rivière Blanche avec Romain D’Huissier pour « Dimension Chevalerie Chinoise ». Manifestement le bonhomme est adepte de Chine ancienne et ça tombe bien au vu de l’illustration de couverture. Personnellement, moi qui ronchonnais d’avoir à rendre hommage au fondateur des jésuites, je suis bien content de ne pas être tombé sur ce titre. Et Nicolas Henry utilise avec subtilité ses connaissances de ce monde qui, pour ma part, m’est totalement étranger, pour nous plonger naturellement dans son histoire.
Notre jeune héros, Bao You, est enquêteur au département des affaires judiciaires. Il est le rejeton d’une famille de militaires et pérégrine innocemment avec son garde du corps, le pas super-malin Jiu Yonggan. Il est en mission pour le magistrat Yue, son chef. Des disparitions ont été signalées dans une commanderie de la région de Nanman .
Une fois arrivés sur place : pas de disparus. Une jeune indicatrice au langage hésitant mettra nos héros en route pour un village où tous ont disparu et où l’on trouvera à des endroits inattendus de nombreux serpents.
De la mythologie, de la sorcellerie, une pointe d’humour, voilà qui devrait ravir les fans du Juge Ti et autres « chinoiseries » littéraires.
Scelerata, rousse à l’âme noire (N°7) de Jérôme Vershueren
Alors là ! Carton rose ! C’est celui que je voulais ! Afin de rendre hommage à Sonya la rousse. Pas celle de Howard hein ? Je l’aime beaucoup aussi mais c’est celle des comics qui a mon cœur. Celle qui en remontre à Conan lui-même. Autant dire que lorsque le martien Darvel m’a dit « C’est pris ! », j’ai maudit le chanceux qui avait écopé du titre. Et puis j’ai su que c’était Jérôme. Alors forcément…
J’ai connu Jérôme alors qu’il était client chez Phénomène J Paris. Et nous sommes amis depuis. Encore un auteur qui vient du Jeu de Rôles (trois sur quatre pour l’instant) qui nous régale une fois l’an d’une excellente nouvelle dans les anthologies imaJn’ère éditées à l’occasion du festival.
Scelerata est une chasseuse de démon et elle nous fait ça au fouet, à l’ancienne ( ?!?). Dans une terre du proche futur quatre garçons s’amusent avec un violon du doux nom de Paganini. Ah bin oui, je ne vous ai pas dit Jérôme est un fan de musique classique. D’ailleurs Le Carnoplaste lui a ouvert une collection dédiée aux aventures de Béla Bartok où le musicien profite de son émigration aux USA pour combattre les nazis qui tentent d’empêcher l’entrée en guerre du pays dans le chaos de la seconde guerre mondiale. Des nazis aux méthodes très spéciales…
Paganini/Démon/Scelerata le triangle maudit est formé et l’histoire peut commencer.
Des ados « espiègles » avec un violon bien étrange qui rencontrent une chasseuse de démons, tous les délires peuvent commencer. Jérôme aurait pu pousser le bouchon encore plus loin mais on s’amuse beaucoup dans cette histoire qui se termine par un choix judicieux de l’héroïne…
La grande guerre contre les os (N°12) par Thomas Geha
Je vous l’ai déjà dit ailleurs : Thomas Geha est le plus grand novelliste français aujourd’hui. Si vous en doutez, faites l’acquisition de son recueil « Les créateurs » chez Critic et on en reparle.
Et puis c’est l’un des parrains imaJn’ère ! Bref un chouchou de la maison en quelque sorte.
Lui aussi a écopé d’un titre et d’une (très belle) illustration pas simple. Faire se combattre des squelettes animés et des hommes préhistoriques, bonjour le rodéo !
Qu’à cela ne tienne, le fascicule se lit comme si Thomas avait mis en place tout seul le script !
L’hommage à Rosny aîné est flagrant et de nombreuses références au nom et à l’œuvre de l’auteur maître de l'avanture apparaissent çà et là dans la nouvelle.
Notre héros du jour s’appelle Ock et son aventure commence en – 11966 ans avant JC. Quelques temps auparavant (plusieurs dizaines d’années), un phénomène inquiétant a illuminé le ciel de l’époque préhistorique et rien ne se passait de plus jusqu’à ce qu’un équidé décharné attaque Ock et ses deux compagnes du moment. Malgré la violence des attaques d’Ock, le cheval finit par mordre les femmes les transformant beaucoup trop rapidement e squelettes extrêmement agressifs.
Une attaque virale apocalyptique qu’Ock va bien devoir arrêter.
De grandes scènes d’actions dans cette épopée désespérée où un héros, pas des plus jobards, va bien devoir arrêter cette fin de la race humaine en devenir.
Une bien belle histoire aux dialogues des plus réduits, époque oblige, pour Thomas Geha qui signe là l’un des meilleurs fascicules de la collection POUR L’INSTANT ! J
Jean-Hugues Villacampa