Violante est jeune, Violante est belle, Violante est douce, Violante a de la classe. Sauf que voilà, Violante n’a pas de mémoire. Plus exactement elle ne se souvient pas de sa vie au-delà des trois dernières années. Juste avant qu’elle ne soit recueillie dans une maison de passe, parce que oui, Violante est une prostituée. Et c’est notre héroïne.
Loin de s’ériger en critique de la morale ou des mœurs, ce roman nous conte les péripéties d’une jeune femme dans un Paris uchronique de la fin des années 1890. Dans cet univers, autant que dans notre histoire, la vie n’est pas facile pour les classes moyennes et. Elle leur est aussi difficile qu’elle est dorée pour la haute bourgeoisie. Dans ce roman, Floriane Soulas jongle admirablement entre une chronique des temps anciens qui font rêver toute une partie de la population mais dont on oublie trop rapidement la réalité bien peu reluisante et une histoire romanesque. Toutefois si l’autrice en était restée à cette iconographie hors du temps, ce livre ne nous aurait pas fait autant rêver. Le réalisme, le cynisme, le pragmatisme de cette histoire en font une aventure bien réaliste, rehaussée par les détails steampunk promptes à nous faire voyager. Là-bas, rien n’est neuf, rien n’est sauvage. L’humanité a colonisé la lune, et y a trouvé des ressources nouvelles et fort pratiques. Des automates et autres inventions rendent la vie bien pratique pour ceux qui peuvent se les offrir. Le côté pervers de la chose, si souvent oublié dans notre réalité, est que si on remplace les classes laborieuses effectuant le travail harassant par des automates, bien plus productifs, que deviennent ces classes de travailleurs ? La vie devient précaire et pour s’en sortir, il ne reste que l’illégal et la luxure.
C’est dans ce milieu-là qu’évolue notre personnage. L’auteur nous explique brièvement que Violante fut récupérée par un proxénète du nom de Léon qui la place dans une maison de passe pour la protéger. Cet endroit lui procure une relative sécurité et une meilleure hygiène de vie que si elle était restée dans la rue. Violante s’y fait donc appeler Duchesse. Et conquièrt les hommes non pas grâce à son physique, elle est bien loin des standards aux formes généreuses, mais par sa classe et sa culture. Devenant en peu de temps, une « souris » prisée du beau monde. Sauf que cette vie, Violante sait au fond d’elle que ce n’est pas la sienne, qu’elle vient d’ailleurs et peut espérer voire prétendre à mieux. Aider d’abord par Satine, autre prostituée qui l’a aidé à « apprendre » le métier, puis par Léon, son proxénète épaulé de deux de ses lieutenants, Violante va profiter des portes que son métier ouvre dans les hautes sphères pour enquêter sur son passé et chercher sa famille qui , au début de ce roman, ne fait que hanter son inconscient. Ce faisant, elle aidera en parallèle le monde de la rue. Car Léon a lui aussi du souci à se faire. Depuis peu, une nouvelle drogue a fait son apparition dans les quartiers mal famés. Et avec elle, des disparitions ont lieu. Mais bon, comme il ne s’agit que des rebus de la société, des désœuvrés, pourquoi déranger les forces de police ?
Facilement transposable dans nos sociétés dites modernes, ce roman nous conte les mésaventures d’une jeune femme qui n’a plus qu’elle pour s’en sortir. Il met en application le célèbre dicton disant qu’il n’y a que le fou qui espère que les choses changent sans avoir à se bouger. Quels secrets Violante va-t-elle découvrir au fil de ses enquêtes ? Quelles machinations perverses existe-il dans ce monde de bonnes mœurs hypocrite ? Quel que soit le dénouement de cette histoire, Violante aura de toute manière réussi son objectif premier. Sa vie n’en sortira pas indemne et un changement aura lieu pour les bas quartiers. Sera-t-il bon ou mauvais, seul le lecteur le saura.
Pierre-Marie Soncarrieu