A l’occasion d’une de nos émissions radio, nous avons eu la chance d’inviter Sandrine Frigout pour nous parler de ses œuvres et surtout de celle-là. Force est de constater, qu’entre une lecture faite par un adulte et celle d’un enfant/ado (qui est le public cible de ce roman), il y a une grande marge.
Pour celles et ceux qui me connaissent et lisent assez régulièrement mes chroniques, vous commencez à bien connaître cette parabole dont j’use voire abuse. Mais pour les autres, comme Mme Frigout, sachez que la parabole du chat, est un peu mon pense-bête dans la classification des genres. Je sens votre regard anxieux posé sur ces lignes, vous demandant où je veux en venir mais non, je vous rassure, je ne suis pas fou. En tout cas pas plus qu’un lecteur amateur de mauvais genre.
La parabole du chat est simple : imaginez, vous êtes dans votre cuisine à vous préparer un petit-déjeuner, et là, votre chat/chien/oiseau/fourmilier/tarentule/poulpe (biffez les mentions inutiles) de compagnie vient vous parler. Si vous vous retournez et vous apercevez qu’il a une mutation ou un appareillage technologique, vous nagez alors en pleine science-fiction (Ptêt même grâce au prof Patrice). Si vous prenez peur, cherchez à fuir ou à le trucider façon équarrisseur, peut-être pour en faire un chat-peau d’ailleurs, alors vous vivez une histoire fantastique. Et si vous n’y accordez pas plus d’importance que ça, pire, que vous trouvez ça normal et lui répondez, c’est un rêve appartenant à la fantasy.
Charmante parabole n’est-ce pas ? Et bien c’est grâce à elle que j’ai compris que ce roman appartenait à la fantasy. Bah oui, Néva, vivant chez sa tante, qui lui fait office de mère, a un chat qui lui parle. Pire, Néva lui répond, et ça a l’air tout à fait normal. D’ailleurs, je sens que dans l’auguste lectorat, ça en fait des jaloux, ce genre de situation. Moi le premier. A chaque fois que j’ai parlé à mon chat, ma mère m’a toujours dit la même chose : « parler aux inhumains c’est idiot, attendre une réponse c’est être croyant, en avoir une c’est être schyzo ». Mais on s’éloigne du sujet.
Revenons à nos moutons et plus particulièrement à Néva. Néva a plusieurs casquettes. C’est déjà un roman de fantasy, comme je l’ai démontré. Mais pour ceux qui ne connaissaient pas la parabole, il y avait des indices : déjà, c’est marqué en quatrième de couverture et ça, ça aide pas mal faut avouer mais surtout, IL Y A UNE CARTE. Ça c’est le détail qui ne peut pas tromper, il y a toujours une carte, qui n’aide pas beaucoup, voire pas du tout mais elle est là. Et puis y a des centaures, des chats qui parlent, et Néva bien sûr. Et là, on découvre la deuxième casquette de Néva à savoir héroïne éponyme de ce roman. Troisième casquette : Néva est une naïade. Pour ceux qui ont séché les cours de langue antique, on va éviter la description basique de l’esprit élémentaire à l’apparence d’une gonzesse canon, vivant uniquement vêtue de ses cheveux et de quelques végétaux maritimes. Pour lui préférer celle de l’auteur, à savoir : une jeune fille sublime à l’apparence presque humaine et ayant une énorme affinité avec l’élément liquide. En plus elle est guérisseuse (c’est la quatrième casquette pour ceux qui n’ont pas compté). Dans l’association ImaJn’ère, mais je pense que c’est un point commun dans toutes les cultures, on a tous l’habitude des liquides de guérison. Qui n’a jamais remercié un bon grog de l’avoir sorti des affres de la mort ? Et bah Néva, elle guérit avec les mains. Elle a vraiment tout pour elle. Un jour où elle faisait trempette façon Ariel, sans Polochon, un humain tombe sur elle. Enfin façon de parler vu qu’ils nagent tous les deux. La vie faisant bien les choses, cet humain, nommé Jaccard, est apothicaire. Il va assez souvent piquer une tête ou deux pour se maintenir en forme et aller à la pêche aux végétaux immergés. Histoire d’allier l’utile à l’agréable en somme. Du fait de son travail, le vieil homme, toujours fringuant, se retrouve souvent à aller soigner du monde, voire du beau monde. Et justement, il tente de soigner un ptit gars de la haute, jeune et con, qui a eu l’incroyable idée d’essayer de chevaucher un centaure. Ce faisant, il se blesse grièvement et crée l’incident diplomatique du siècle. On comprend un peu mieux son apathie et l’impuissance de Jaccard à le soigner. C’est à cette occasion que Néva révèle son origine en même temps que son utilité. Et là, c’est le début des péripéties qui vont changer sa vie à tout jamais. Entre son idylle naissant avec le noble au doux nom de Darïn, son entrée dans les études de magie, la jalousie irraisonnée de la femme de Jaccard et la disparition de ce dernier. Les écueils de la vie en société sont nombreux pour celle qui ne voit les relations ni par le prisme du pouvoir ni par celui de la cupidité.
Je vais éviter de trop vous en dévoiler, pour ça il suffit d’aller discuter avec l’auteure, intarissable sur le sujet. Je vous conseille fortement de lire ce roman haut en couleurs et en retournements. Pour le reste, sachez que Sandrine Frigout est une auteure jeunesse insatiable et imaginative, à qui l’on doit les illustrations et parfois même les scénarios de quelques excellents albums pour tout-petits. Infirmière de nature et par passion, l’altruisme et le réconfort sont des leitmotivs que l’on retrouve dans son contact humain et qui transpire dans ses œuvres.
Pierre-Marie Soncarrieu