Cette chronique est un peu différente de celles que j’ai l’habitude de présenter. Bien qu’il s’agisse d’une BD dont le style graphique n’est pas sans rappeler le trait de Zep, cette œuvre n’est pas à la portée de tout le monde tant son sujet est tendancieux. « Sex Story » est comme son nom l’indique, l’histoire de la sexualité.
A l’intérieur de ces pages, pas d’histoire mais l’Histoire. Pas d’histoire de sexe mais l’évolution de la sexualité comme lien social. Il ne s’agit ni d’une œuvre érotique ni pornographique mais plutôt historico-sociologique. Le but de cette bande dessinée est d’expliquer l’évolution de la pensée sexuelle ainsi que des mœurs en toute objectivité, sans aucune barrière morale et cela à travers toutes les civilisations et époques marquantes.
Quelle est la manière dont les couples étaient envisagés ? L’amour est-il nécessaire dans un ménage ? Quelles sont les obligations et libertés des hommes et des femmes ?
Quels liens entretient chaque individu avec le corps ? Avec son corps ? Et avec celui des autres ? Quelles sont les attitudes acceptées, encouragées ou bien désapprouvées ?
La polygamie, la polyandrie, la prostitution, la procréation, l’adultère, l’infidélité, l’érotisme, la chasteté… Des concepts dont tout le monde a entendu parler, sachant les définir avec plus ou moins d’exactitudes et avec beaucoup d’a priori, que ce soit en bien ou en mal d’ailleurs.
Je profite de ce terme « a priori » dans cette chronique pour faire un point linguistique. Il y a peu de temps je discutais avec un ami de choses et d’autres. Dans l’une de mes remarques, j’ai parlé d’un avis fait a priori et a postériori. Ce à quoi il me fut rétorqué que j’avais mal utilisé le terme : a priori et que l’autre n’existait pas. Par déformation, un apriori est devenu synonyme de préjugé, d’avis préconstruit sur un jugement de valeur. C’est un a priori. En réalité, un a priori est un avis construit avant l’expérimentation d’un fait et un a posteriori est un avis construit après l’expérimentation de ce fait. Exemple : On ne peut avoir un avis a priori (un « a-apriori ») sur le mariage que tant que l’on n’est pas marié. Une fois chose faite, notre avis devient un a posteriori.
Alors pourquoi vous fais-je cet aparté ? Et bien parce que tout le monde à un apriori (bon ou mauvais) sur le sexe et plus exactement sur la sexualité des autres, qu’ils appartiennent à la même culture/civilisation que soit ou non. Cléopâtre n’était-elle pas désignée la « catin de César » dans les pays latins, alors qu’elle était vénérée et révérée comme la plus grande Reine de l’Egypte ? C’est un peu tout l’enjeu de cette BD, et la raison pour laquelle je vous en parle. L’auteur et la dessinatrice ont réussi à rendre cette BD, qui aborde un thème ultra sérieux, attrayante, divertissante et même amusante (il y a une grosse dose d’humour noir pour les amateurs). Cette œuvre rentre dans la
catégorie des bandes dessinées documentaires comme « Axolotl » ou « la planète des sages ». Elle réussit à mettre à bas un bon nombre d’idées reçues et permet d’apprendre pas mal de choses à la fois sur notre société mais aussi sur l’héritage que nous portons. La fin de cette BD se veut l’anticipation d’un futur plus ou moins proche. Partant du principe que les mœurs évoluent de manière cyclique, l’histoire ne s’arrête pas à notre époque mais envisage un futur plausible que ce soit par rapport aux êtres humains mais aussi par rapport aux techniques et technologies développées.
Sans aucun doute, elle vaut la peine d’être lue.
Cette BD est le fruit de la collaboration de Philippe Brenot et Laetitia Coryn. Lui est psychiatre et anthropologue, directeur des enseignements de sexologie à l’université. Elle, est auteur de BD. Deux monde que l’on pourrait croire
séparés par un fossé mais qui se lient bien plus souvent qu’il n’y paraît. Quel moyen plus pratique d’expliquer des faits ou des concepts que par des images ?
Pierre-Marie Soncarrieu