Quand mon sbire de Phéno (et un secrétaire d’imaJn’ère) m’a demandé ce que je pensais de « ça », le dessin de Rodriguez associé au nom de Lovecraft m’a paru décalé. Puis je me suis rendu compte que Lovecraft était le nom d’une petite ville imaginaire des Etats Unis où se déroulait l’action et sous l’insistance dudit sbire je prenais avec moi l’ouvrage gris orné d’une clef noire. Bien m’en a pris !
Le scénariste Joe Hill n’est autre que le fils de Stephen King et non, je ne crois pas aux dispositions génétiques de l’art de la narration MAIS je crois en l’immersion culturelle et il existe quelque-chose de puissant (et d’effrayant) dans « Bienvenue à Lovecraft » qui m’a fasciné.
Cet ouvrage est le premier de cinq arcs narratifs qui formeront une saga complète MAIS il est possible de ne lire que lui, la possibilité d’une suite n’étant induite que par la dernière case. Les restes de la famille Locke déménagent à Keyhouse (La maison des clés) à Lovecraft suite au meurtre du père et au viol de la mère par deux élèves du lycée où enseignait le père. L’album revient régulièrement sur le déroulé de ces atrocités où nous allons suivre les deux frères de la famille Tyler et Bode, leur sœur Kinsey et leur mère Nina.
L’installation dans la vieille maison victorienne se passe au moins mal au vu des circonstances et le plus jeune frère Bode découvre une porte magique qui lorsqu’il passe au travers rend son corps inerte et lui permet de voyager astralement (je métaphorise). A cette occasion, Bode découvre un puits enfermé dans une pièce ajourée dans lequel se trouve une créature… Sam Lesser, l’assassin du père se trouve dans une maison de correction surveillée, mais s’en échappe et happé par une aide étrange se rend à Lovecraft.
La première sensation de lecture est liée à l’émotion qui s’en dégage forte, brutale et puis deux jours après une sorte de réminiscence morbide liée à l’atmosphère pesante de la maison. Bode qui se lance dans des voyages astraux, Tyler
qui culpabilise sur la mort de son père qu’il avait souhaité à voix haute devant Sam Lesser, Kinsey qui sous le couvert d’une jeune femme rebelle cache mal sa terreur et le traumatisme qu’elle a vécu entre son viol et la mort de son mari et qui se réfugie lentement dans l’alcool. Le retour de Sam Lesser, créature violent, perdue et manipulée va faire exploser le semblant d’équilibre qui faisait illusion à Keyhouse, et peut être exorciser la bête.
Que sont ces mystérieuses clés ? Et cette jeune femme dans le puits ?
Une narration coincée entre « The preacher » et Stephen King pour un délicieux mal-être parfaitement rendu par le trait non réaliste de Rodriguez.
JEAN-HUGUES VILLACAMPA