Un soupçon d’humanité – Loïc Henry – Mnémos

J’aime bien l’idée de chroniquer un roman de science-fiction et policier. C’est cette spécialité qui m’a fait recruter par Jean-Paul Guéry comme chroniqueur pour « La tête en noir », fanzine du polar angevin qui a fêté ses 40 ans, il y a quelques mois.

Mais parlons de Loïc Henry. Le bonhomme est un jeune d’un peu plus de cinquante ans, ingénieur en informatique, spécialiste de la finance internationale et écrivain à ses heures avec succès.

 

Un soupçon d’humanité s’interroge sur l’Humanité dans un futur proche. De nombreux pays ont décidé de laisser leurs gouvernances à des IA et s’en portent plutôt bien. Outre le fait d’avoir à effectuer un certain nombre d’heures de travaux citoyens, le reste du temps de l’humain moyen est essentiellement consacré aux loisirs comme s’enfermer dans des caissons de mondes virtuels ou, bien entendu, en plus de la dimension ludique, il est possible de se livrer à des exploits sexuels avec le partenaire de ses rêves. La paix règne, l’économie prospère et les écosystèmes se reconstituent. Bref tout va bien. MAIS malgré les barrages éthiques mis en place, un drone assassine froidement un humain à sa grande surprise. Du coup on pense à Asimov et ses nouvelles « Les robots » qui démontre avec son aisance coutumière qu’il y a toujours un moyen de contourner des lois. L’enquête est confiée à l’IA de la police et à un inspecteur de police humain qui a forcément l’impression de ne servir à rien malgré la compassion de l’IA à son égard. Au-delà de l’enquête en elle-même, le focus du roman tient dans l’environnement futuriste des personnages impliqués dans cette histoire policière. On découvre par exemple les indeps, qui ont refusé ou se sont fait enlever la puce placée dans le cerveau des citoyens quelques jours après leur naissance. Cette puce permet de tout contrôler : santé, capacité immunologique, commandes de pizzas, l’endroit où vous êtes, ce que vous dites, avec qui vous communiquez, etc. S’ajoute à cette puce des nuées de drones survolant le monde filmant tout avec analyse d’une ou plusieurs IA. Bien entendu le contrôle génétique est de mise de manière à avoir des esprits sains dans des corps sains. Et le transhumanisme dans tout cela ? Sachez qu’il n’est pas de reste et qu’un père jésuite nous fera découvrir un mouvement de « résistance « basé sur l’amélioration artificielles des qualités humaines.

L’intérêt du roman réside dans ce qui semble être un regard objectif sur la situation de notre monde qui, à titre personnel m’a bien foutu la trouille (à part p’tet’ les caissons virtuels…).
La fiction rejoint la réalité puisqu’aujourd’hui, les forces de l’ordre peuvent à moindre effort savoir où vous êtes, aidées par votre téléphone ou le GPS de votre voiture, ce que vous achetez du fait de vos connections internet et de vos moyens de paiement électroniques, quelles sont vos passions, vos petits travers.

Oui mais, comme disent beaucoup trop de personnes : quelle importance du moment que l’on ne fait rien de mal ?
D’où une question d’importance : qu’est-ce que le mal ?
Dans un monde de réaction, religieuse ou Trumpiste, le mal ce peut être des membres de LGBTQ2+, des migrants, des personnes qui s’élèvent contre des injustices flagrantes, etc.
Le soupçon d’humanité concerne qui exactement ?
D’excellentes questions que cette fiction de Loïc Henry soulèvent avec subtilité.

Jean-Hugues Villacampa

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