Aujourd’hui, je vais vous parler d’un livre qui m’a laissé pantois, comme jamais : Le Sang des Parangons. Le titre est accrocheur. L’auteur, incontournable. Quant au synopsis, bien plus qu’appétissant. Aussi, je me suis jeté dessus et j’en suis ressorti ravi, mais bien loin de ce que j’attendais. Après les cycles de Ji et Gonelore, je m’attendais à une quête épique aux héros charismatiques et intrépides et une fin grandiose. Dans Le Sang des Parangons, seule la fin correspondait à mes attentes, bien que totalement inattendue. Ce roman n’est pas une épopée, ni même un roman d’aventure. Encore moins une quête initiatique. C’est une œuvre symbolique voire méta-linguistique. Elle ne conte pas les errements d’un groupe constitué de héros en devenir, mais fait le point sur notre société, et surtout sur nous, lecteurs.
Le monde est à bout de souffle, les civilisations s’effondrent, les continents s’affaissent et s’embrasent et la terre se meurt. Mais les hommes s’en foutent et continuent leurs quêtes de savoir, de pouvoirs et de dominations, sans se soucier des ravages qu’ils commettent contre la nature qui les nourrit. Quel monde, quelles civilisations, quelles guerres me demanderiez-vous ? Et vous avez bien raison de poser la question car dans n’importe quel récit, la question du contexte est essentielle, et les noms aident. Mais nous ne sommes pas dans n’importe quelle œuvre littéraire. Alors donnez-leur les noms qui vous plaisent, des connus ou des inventés, qu’importe, car dans ce récit, seuls les actes comptent tant ce monde fantasmagorique est une allégorie du nôtre.
Les protagonistes de cette histoire sont au nombre de 41. Quarante et un représentant de quarante et une puissances étatiques distinctes dont les actes ont un impact suffisant pour changer le monde. Et pour sauver le monde, il suffit d’une idée et d’assez d’imbéciles pour y croire. L’idée est d’aller dans le domaine des dieux pour les prier, les supplier de sauver le monde et de donner une énième chance à l’humanité. Quant aux imbéciles, ce sont les quarante et un champions. Le terme champion est inexact car ce sont des représentants de la qualité qui a le plus de valeurs dans chacune des puissances. Ce sont des guerriers, souvent, mais aussi des sages, des dévots voire des artistes. Ce sont les meilleurs des meilleurs dans leur catégorie. Enfin, presque.
Si vous me demandez leur nom, ou en tous cas ceux des personnages principaux, je vous donnerais la même réponse, ils n’ont pas d’importance. Enfin pour la compréhension du récit, pour la poursuite de l’histoire, si, bien sûr qu’ils ont de l’importance, mais pour le sens de ce roman, ils n’en ont aucune. Ces personnages ne sont que des symboles de chacun d’entre nous, de chacun des lecteurs de ce roman. Des allégories de personnes puissantes et influentes qui, dès qu’un événement pouvant octroyer un peu de notoriété se profile, cherchent à en tirer parti même s’ils ne sont pas les plus compétents pour cette tâche. Tout en espérant que les autres auront fait un choix différent, un choix censé, eux. Mais pas seulement, il y a des petit-gens qui ne sont pas ici par choix mais par obligation. De celles et ceux qui n’ont jamais eu de choix dans la vie et dont la recherche de la survie pousse à quelques extrémités innommables.
Si la quête s’annonce ardue, ce sont les actes des parangons qui mettent le plus souvent la vie des membres du groupe en jeu. Car en définitive, si les dangers qui entravent la progression du groupe sont nombreux et mortels, le pire est en eux-même. Ce sont les mirages de l’égo qui feront perdre le plus grand nombre si ce n’est tous, car au plus profond de la montagne, si certains parangons ne meurent pas, tous perdront leur humanité. Cette montagne, où chacun avance, en mettant les pieds l’un devant l’autre sans voir plus loin que ce qui est éclairé par un autre, serait-elle une image d’une descente en enfer ou dans les tréfonds de notre personnalité ? L’un n’empêche pas l’autre me diriez-vous.
Il y a des années que le nom de Pierre Grimbert n’avait pas fait les têtes de gondoles. Et après 20 ans de silence, et des titres qui nous ont laissé des souvenirs impérissables, lui valant quelques prix amplement mérité, Pierre revient sur le devant de la scène avec ce titre qui marquera les mémoires.
Pierre-Marie Soncarrieu