Lors de notre édition frigorifique de novembre 2021, l’équipe ImaJn’ère a eu l’agréable surprise de voir arriver une princesse du désert pour tenir un stand et proposer aux visiteurs la lecture des deux premiers tomes de sa série. Assez étonné par la couverture et le pitch, je me suis laissé tenter et ai fini ce salon avec un bon rhum, et le premier tome de La Porte du Roi dans ma PAL.
L’incipit du roman fait dans le simple et l’efficace. On y découvre Ehsan, notre personnage principal, une domestique commis aux cuisines. Comprenez par là que c’est une esclave vouée au bon vouloir de la reine du royaume d’Elôn. A ses 8 ans, cette gamine qui n’a connu que la misère de la rue d’où elle vient et où elle a encore ses attaches, se voit projeté dans le faste du palais et des banquets qu’elle sert sans que sa condition ne s’améliore tant que cela. Mais maintenant qu’elle la vie, la fracture sociale lui pèse de plus en plus, car elle est sans échappatoire tant ses compagnons d’asservissement semblent y trouver leurs intérêts. Oui, ils sont esclaves, oui ils ne peuvent que sentir, apercevoir, les richesses et le luxe, mais en contrepartie ils ne sont pas dans la rue, ont un toit et peuvent à peu près manger à leur faim. Et nombreux sont celles et ceux, comme Zohreh, la mère adoptive d’Ehsan et cheffe des cuisines, qui veillent à éteindre le feu de la révolte qui couve dans le cœur des jeunes, autant pour les protéger que pour conserver leurs maigres privilèges.
Mais la Reine d’Elôn finit par décédée. Son fils prend sa suite et siège sur le trône à Antarxes, la capitale. Ehsan reste à son service. La Reine est morte, vive le Roi ! Ce remplacement n’engendre aucun changement pour le peuple, ni pour Ehsan, seul le visage du monarque est différent. Vraiment ? Car cette fois, Ehsan a alors la possibilité d'être proche du pouvoir, une éminence grise où sa beauté et son intelligence seront autant des outils que des armes. Et peut-être que le futur roi sera plus généreux grâce à elle. Qu’il mette un terme un terme à l’appauvrissement et à l’asservissement de ses condisciples aux profits de quelques élites. Mais n’est-ce pas là, un vœu pieux que l’on ne voit que trop rarement se réaliser ?
Dans son roman, Lisa développe l’ensemble d’un royaume, tout un univers profond et dense. Certes basé sur les califats de Perse, l’autrice s’émancipe bien vite du monde réel, ne gardant qu’une similitude esthétique pour affirmer son univers grâce à des en-tête de chapitre qui nous renseignent sur les sciences, les arts et l’histoire de ce bout de monde imaginaire. Les personnages sont multiples et il manquerait une annexe pour les répertorier, mais chacun se construit loin d’un quelconque archétype. Et que dire du décor... Propice à immerger le lecteur dans l’intrigue, le décor est riche et fourni, assisté par une plume légère qui parvient à éviter l’écueil de pages entières uniquement descriptives.
En somme, un bon moment à passer sur ce page turner immersif dont le troisième tome se fait attendre à l’heure où je couche ces quelques lignes. Je déconseille toutefois cette lecture en été, c’est un roman à perdre haleine à éviter en cas de forte chaleur.
Pierre-Marie Soncarrieu