La lumière lointaine des étoiles est le premier roman de Laura Lam, autrice américaine vivant désormais en Écosse, à avoir été publié chez ActuSF. En voilà un avant-goût :
La Terre est au bord de l’effondrement.
Pour sauver l’humanité, un seul espoir : rejoindre Cavendish, une exoplanète propice à l’installation d’une colonie.
Le futur de l’espèce humaine se joue ainsi dans l’espace, à bord d’un vaisseau volé. Aux commandes, Valérie Black, femme d’affaires visionnaire, ayant rassemblé autour d’elle les meilleures des meilleures. À commencer par Naomi, sa fille adoptive, exobotaniste renommée qui a rêvé toute sa vie de rejoindre les étoiles. Mais quand les premiers problèmes surgissent, elle ne peut s’empêcher d’avoir un sombre pressentiment. Quelqu’un à bord jouerait-il double jeu ? D’autant que les nouvelles de la Terre ne sont pas bonnes, et que les cinq femmes pourraient avoir moins de temps que prévu…
Ne vous fiez pas à la couverture austère : La lumière lointaine des étoiles cache bien son jeu, c’est en fait une véritable pépite dont chaque élément est parfaitement maîtrisé.
Plusieurs choses frappent en premier. D’abord, la narration. Le style de l’autrice (ou plutôt la traduction) a quelque chose de si précis et implacable qu’il captive le lecteur sans la moindre difficulté : un exploit qu’il convient de souligner puisque l’intrigue met du temps à vraiment démarrer. Même si les premières centaines de pages sont majoritairement constituées d’explications destinées à étoffer le contexte de l’intrigue et les personnages (avec le recours à un certain nombre de flashbacks), cela ne sonne jamais comme des longueurs inutiles. Les recherches menées par Laura Lam n’ont pas été superflues et on ne peut qu’être bluffé par ses descriptions de l’Atalanta, le vaisseau qui sert de décor à l’histoire, de l’espace (mention spéciale à la première sortie extravéhiculaire de nos protagonistes, qui a réussi à me couper le souffle) et de l’agonie de la Terre.
En effet, La lumière lointaine des étoiles fait totalement écho avec notre situation actuelle. Laura Lam prend le temps de pointer du doigt les conséquences du réchauffement climatique, sous une forme plutôt originale puisqu’on y assiste aussi bien de la surface de la planète, lors des flashbacks, que depuis l’espace. Mais elle ne s’arrête pas en si bon chemin : elle transmet également un message féministe engagé et là encore dans l’air du temps. Cela n’a rien d’anodin si l’équipage qui a volé un vaisseau en partance pour un nouveau monde soit composé de cinq femmes. Sur Terre, il ne fait pas bon d’être du genre féminin… et particulièrement aux États-Unis où elles sont peu à peu écartées des postes à responsabilité, premier pas sur un chemin régressif qui les ramènerait au rôle qui leur avait été imposé pendant trop de siècles. C’est donc plutôt rafraîchissant (et satisfaisant) de voir ces cinq femmes résister au destin qu’on veut leur imposer, même en utilisant des biais pas toujours très légaux.
On en revient à ce fameux vol de vaisseau spatial et donc à l’intrigue. Le résumé n’est pas tout à fait exact mais l’idée générale est là. Outre la plume hypnotisante, l’autrice distille des éléments scénaristiques d’une redoutable efficacité tout au long des premières centaines de pages (un exemple tout bête, le premier chapitre, dans le haut du panier en termes de teasing). Oui, il ne se passe grand-chose en soi, mais ces éléments sont comme autant de bombes à retardements, des présages de ce que l’intrigue pourrait devenir quand elle prendra toute son ampleur… et devient effectivement. Quand les cartes sont (enfin) posées sur la table, on ressent bien toute la tension promise par le résumé. Impossible de deviner l’issue à toute cette histoire ; de fait, le huis-clos est vraiment efficace, et l’impression est renforcée par l’absence total de manichéisme – en oubliant ses méthodes pour y parvenir, les motivations de l’antagoniste sont assez nobles en soi.
En résumé, La lumière lointaine des étoiles présente un récit maîtrisé, avec des personnages forts et complexes mais aussi porteuses d’un certain espoir puisqu’elles luttent à la fois contre un destin dont elles n’ont pas voulu et pour l’avenir d’une humanité au bord de l’extinction. D’aucuns pourraient reprocher la lenteur de l’histoire et les nombreuses descriptions qui témoignent des recherches poussées menées par Laura Lam ; néanmoins, cela donne toute sa crédibilité au roman et permet à l’intrigue d’aller crescendo… jusqu’à l’explosion, une centaine de pages avant la fin. En ce sens, il s’agit d’un véritable page-turner destiné aussi bien aux amateurs de science-fiction qu’à n’importe quel lecteur ou lectrice intéressée par les thématiques abordées… ou qui aurait envie de découvrir l’espace comme s’il y était !
Bénédicte Durand