Patrick Moran, qui vit entre la France et le Québec, est universitaire et spécialiste en histoire médiévale ; ses recherches portent sur l’imaginaire arthurien, les univers de fiction et l’écriture cyclique. Ses deux premiers romans, La crécerelle et Les six cauchemars, et Metalya entre les mondes ont tous été publiés chez Mnémos. En ce qui concerne Metalya, voici le résumé :
Metalya est l’une des nombreuses pacificatrices de la cité de Tal Emmerak. Son boulot, c’est des enquêtes, si possibles pas trop compliquées et bien payées, ce qui, dans un cas comme dans l’autre, n’arrive pas souvent.
Lorsqu’un riche client la contacte pour lui demander d’enquêter sur la mort de sa femme, Metalya accepte à reculons, appâtée par l’argent. La pacificatrice découvre rapidement que cette femme était une scientifique de renom qui travaillait pour l’Institut Voqer-naag, dans un département spécialisé dans ces nouvelles sciences autrefois appelées « magie ». Bien vite, tout semble se liguer contre Metalya. Armée de quelques éclats – ces petits objets capables d’influer sur la réalité – et de son livre fétiche, elle va braver tous les obstacles que l’on va mettre sur son chemin et découvrir la vérité entre les mondes.
Patrick Moran nous invite à un voyage original dans sa mégalopole cool à l’ombre des palmiers, aux côtés d’une héroïne forte et attachante. Avec talent et une pointe d’humour, il nous dévoile les secrets bien plus marquants qu’il n’y paraît d’une ville imaginée comme le futur d’un monde de fantasy.
Avant toute chose, il convient de s’attarder sur notre protagoniste, la fameuse Metalya. Qu’elle soit aussi attachante tient à des choses simples, mais pas forcément évidentes. D’abord, sa normalité : comme tout un chacun, elle est très attachée à sa routine et aux plaisirs simples de la vie – au premier rang desquels : ne rien faire. Cette impression est renforcée par les différents TOC qui l’animent tout au long de l’histoire, et dont les apparitions sont toujours justifiées d’une manière ou d’une autre. Néanmoins, Metalya est également quelqu’un de débrouillard, avec un sens certain de la répartie, deux qualités essentielles pour se tirer des situations parfois rocambolesques dans lesquelles elle se retrouve plongée. En somme, notre protagoniste n’a rien d’une superhéroïne, mais son ingéniosité et sa banalité relative en font un personnage auquel on n’a pas trop de mal à s’identifier. C’est plutôt un bon point, puisqu’elle essaye de mener seule son enquête une bonne partie du livre !
Parlant de celle-ci, elle est très bien rythmée et, même si elle suit un cours relativement linéaire, elle n’en reste pas moins jonchée de multiples retournements de situation. Mais, même si le roman n’atteint pas 300 pages, on ne ressort pas de notre lecture avec l’impression que tout était trop rapide. Au contraire : chaque lieu dans lequel Metalya est amenée à se rendre est un prétexte pour Patrick Moran de décrire un peu plus la mégalopole qui sert de décor à l’intrigue et les personnes qui l’habitent. Ces descriptions ne paraissent néanmoins jamais superflues en raison de leur précision, mais aussi parce qu’elles permettent de donner de la consistance à un univers original, à la fois semblable au nôtre, futuriste sur certains côtés (l’aspect cosmopolite de Tal Emmerak et un sujet au cœur de l’intrigue mais non spoilé par le résumé), mais empruntant aussi quelques éléments à la fantasy traditionnelle (le système de magie).
Mais Patrick Moran ne s’arrête pas là. Avoir situé l’intrigue dans une mégalopole peuplée de deux grandes communautés plus ou moins antagonistes est un moyen d’aborder des sujets plus sérieux, sur la base du racisme et des tensions ethniques. Qu’il s’attache à décrire certains des quartiers qui constituent la ville met en lumière les différences entre les classes sociales qui la composent. Enfin, on peut donner une certaine dimension féministe au roman, en raison des postes à responsabilités occupées par la plupart des personnages féminins (sans parler de Metalya elle-même, qui est également un personnage fort) et d’une scène en particulier dénonçant les comportements misogynes.
Ainsi, non content de construire un univers et une intrigue qui feraient pâlir d’envie un livre deux fois plus épais, Patrick Moran met également en scène une héroïne attachante, avec un caractère affirmé mais aussi assez ordinaire sur d’autres points. Le tout est porté par une plume précise et marquée par une pointe d’humour appréciable, qui rend la lecture d’autant plus fluide. La fin a beau être ouverte (avec en sus une question sans réponse), elle n’est pas frustrante pour autant : l’auteur y a bien veillé.
Bénédicte Durand