Née en 1988, Dana B. Chalys a baigné dans la science-fiction, les mythes et les légendes depuis l’enfance, ce qui se remarque dans son œuvre : elle a inventé un multivers au croisement des genres de l’imaginaire, les Chroniques des deux Terres, composé à ce jour de dix nouvelles et d’autant de romans. Le dernier lion d’albâtre est son premier livre publié par Gulf Stream. En voilà le résumé :
Dans les ruelles sombres de Tyniry, une ombre fugace évolue de toit en toit, aussi furtive qu’un rapace. Ashtiri, une ancienne esclave de 17 ans, est devenue voleuse pour survivre. La meilleure, d’ailleurs. Et sa réputation a franchi les frontières : le roi d’Ofayne la mandate afin d’accomplir une mission décisive. Impuissant devant une armée de démons à la progression implacable, le souverain a l’espoir fou qu’Ashtiri retrouvera le dernier Lion d’albâtre, un mage-guerrier légendaire. Dans cette quête au coeur d’un environnement hostile, les convictions d’Ashtiri vacillent une à une face aux volontés des divinités cosmiques, maîtresses du destin des mortels.
Dana B. Chalys propose avec Le dernier lion d’albâtre un roman de fantasy très complet quand bien même il s’agit d’un one shot. Même si les protagonistes sont assez jeunes (moins de trente ans), il peut convenir aussi bien à un public adolescent qu’adulte en raison de la profondeur des thèmes abordés et de l’univers atypique.
En ce qui concerne les thématiques, tout d’abord : esclavagisme, homophobie, colonisation & assimilation ainsi que mémoire collective – et la manière dont on peut réécrire l’Histoire – sont quatre piliers sur lesquels repose le roman. L’autrice propose en prime des éléments de réflexion sur chacun de ces sujets, d’une manière souvent pertinente et s’intégrant parfaitement dans le récit.
Du côté du worldbuilding, c’est assez peu courant de voir en fantasy des éléments empruntés à la mythologie égyptienne mais aussi hittite. Là encore, ça ne sonne pas du tout comme hors de propos puisque le monde dans lequel se déroule l’intrigue est composé de nombreuses régions arides. D’une manière plus générale, l’univers dans son ensemble est d’une richesse assez ahurissante pour un one shot, et d’autant plus qu’il est composé de peuples aux coutumes bien différenciées. Des événements historiques (et tragiques) les ont néanmoins rapprochées, qui sont en partie au cœur de l’intrigue.
Néanmoins, profondeur de l’univers ne rime pas avec longueurs, et 500 pages avec ennui. Même avec les pauses réflexives de l’autrice, l’histoire est menée tambour battant. Les chapitres sont racontés du point de vue de trois duos, ce qui induit trois points de vue différents… et même plus. Cela permet à l’intrigue d’être bien rythmée et de relancer sans arrêt l’intérêt du lecteur puisque les objectifs de nos six protagonistes sont tous dignes d’intérêt, et qu’ils sont eux-mêmes assez attachants en raison de leur diversité. Leur jeunesse est également un atout : en témoigne Ashtiri, ancienne esclave chargée de sauver le monde (et premier personnage que l’on rencontre). Ses péripéties et les rencontres qu’elle fait affineront sa vision du monde en la rendant moins binaire, plus nuancée. De la même façon, l’autrice prend le temps de développer le background et les motivations de chacun de ses personnages malgré leur nombre – un glossaire est d’ailleurs là pour qui se sentirait perdu.
En bref, Dana B. Chalys est parvenue à construire avec Le dernier lion d’albâtre une histoire captivante et un univers très riche, renforcés par des thématiques abordées avec une vraie volonté de pousser à la réflexion, et d’autant plus qu’elles sont d’actualité. Même si la fin n’est pas toute rose (et donc réaliste), elle invite malgré tout à l’espoir… et appellerait presque à une suite.
Bénédicte Durand