Le Jardin des chimères, Johan Heliot – Éditions Scrineo

Johan Héliot, ex-professeur d’histoire-géo et de français dans un lycée professionnel, se consacre pleinement à l’écriture depuis 2002. Cela explique les quatre-vingt dix romans publiés chez différents éditeurs, explorant les différents genres de l’imaginaire, et la centaine de nouvelles dans des supports variés, le tout adressé à un public aussi bien jeunesse qu’adulte.
En l’occurrence, Le jardin des chimères est un ouvrage destiné avant tout à un public de jeunes adultes, même si le message qu’il transmet est universel et peut donc être appréhendé par tous.

« Alors que la planète entière a assisté à l’extinction de la quasi-totalité des espèces animales, les scientifiques fabriquent en série des anibots, robots aux allures d’animaux, et des chimères, créations génétiques rares.
Sans scrupules, un chef mafieux met aux enchères la tête des dernières bêtes sauvages et déploie tous les moyens pour acquérir personnellement le panthigre, la nouvelle chimère dévoilée au monde.
De son côté, Deckard, jeune activiste écolo, défend la cause des derniers animaux dits « naturels » contre son père, le brillant généticien à l’origine des chimères. Très vite, il rencontre Tania, web-reporter orpheline de 16 ans, qui l’intrigue terriblement.
Quand le panthigre est enlevé et parvient à s’échapper, le duo, a priori mal assorti, se donne une mission folle : sauver la vie de l’animal emblématique et l’emmener au Sanctuaire, où se meurt la dernière girafe sur Terre et dont personne ne connaît l’emplacement exact… »

 

Le résumé le met plutôt bien en avant, ce roman véhicule un message écologique pertinent qui englobe aussi bien le réchauffement climatique que la disparition des espèces animales. En ce qui concerne le dérèglement du climat, l’auteur insiste régulièrement sur la chaleur qui pèse sur le monde dans lequel évolue nos deux protagonistes ; à un moment du récit, l’action a même lieu au cœur d’une France transformée en désert. Le parallèle avec les dernières canicules que nous avons connu n’est pas difficile à faire et cela rend d’autant plus crédible et terrifiante la vision du futur (plus ou moins proche) imaginée par Johan Heliot.

Néanmoins, ce sont surtout les animaux qui sont au cœur de son propos, et c’est ce qui donne d’ailleurs toute son originalité au roman. Là encore, l’auteur insiste davantage sur les conséquences de leur disparition plutôt que sur les raisons de leur extinction, balayées en un chapitre. Anibots et chimères ont remplacé les bêtes aussi bien sauvages que domestiques : cela pose bien sûr des questions d’ordre éthique, mais interroge également la pertinence de telles solutions. Un animal peut-il vraiment être remplacé par une imitation, une copie dépourvue des instincts qui caractérisent son espèce ?

Toute l’intrigue repose sur ces questions, et est structurée autour de points de vue antagonistes plutôt bien résumés dans la quatrième de couverture ; chacun d’entre eux sont donc intéressants à suivre même si l’on peut évidemment ne pas être d’accord avec tous (le meilleur exemple restant celui du chef mafieux et de ses délires égocentriques qui visent à s’accaparer la panthigre pour son plaisir personnel). Avoir consacré des chapitres entiers aux ultimes instants de la dernière girafe sur Terre, Zara, est également un choix intéressant, une manière de rendre hommage à la nature dans ce qu’elle a de plus vrai.

Ceci dit, tout n’est pas noir non plus. La plume légère et fluide de Johan Heliot permet au récit de ne pas être trop pesant, et nos deux protagonistes, Deckard et Tania, rejoints en cours de route par un personnage haut en couleur du nom de Muna, sont assez attachants ; leur engagement pour la planète, totalement désintéressé, fait plaisir à lire.

En résumé, il s’agit d’un roman très intéressant dans le message (d’alerte ?) qu’il souhaite transmettre, et qui se démarque plutôt bien d’autres livres faits sur le même sujet. Pas de grand discours moralisateur ni de culpabilisation de ses lecteurs : ici, Johan Heliot met plutôt l’accent sur les conséquences de notre mode de vie actuel et développe à partir de là une réflexion pertinente étayée par des points de vue antagonistes. L’intrigue en tant que telle en devient presque secondaire, dans le sens où elle sert surtout d’appui au propos de l’auteur – c’est pourquoi quelques coups de chance et la répétition de certaines situations, Deckard et Tania ne cessant de fuir puis d’être rattrapés avant de s’échapper à nouveau, ne sont finalement pas si dérangeantes. Un roman plus que jamais d’actualité… et à ressortir dans vingt ou trente ans, pour voir si la situation de notre planète sera encore plus semblable à celle décrite dans le roman ?

 

Bénédicte Durand

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