Profitant de la préparation de notre salon, je me retrouvai en contact avec les divers représentants de la micro-édition française dont fait partie « Rivière blanche ». Son directeur d’édition me proposa très gentiment un service de presse en plus de ma commande pour les auteurs qui seraient présents. Forcément, j’étais intéressé, je le mis toutefois en garde contre mon retard endémique, que ce soit pour la lecture comme pour la rédaction de mes chroniques. Il m’assura que ça ne poserait pas de problème car une fois la première page entamée, je ne saurai pas me défaire de la bête chronophage. Eh bien, il avait raison.
Ce roman, plein de prises de positions sociales et politiques, met en avant un personnage principal féminin au doux nom d’Aya Stilstone. Cette charmante jeune femme exerce la magnifique profession d’éboueuse. Si vous aussi, à la lecture de ce résumé concis et peu flatteur vous avez haussé un, voire deux sourcils, alors vous commencez ce roman de la même manière que moi. Si ça peut vous rassurer, la suite expliquant le comment et le pourquoi est une des raisons pour lesquelles le roman ne tombe pas des mains avant d’être refermé, ou endormi mais là n’est pas la question. Reprenons.
Aya est donc éboueuse, certes, mais façon top level : elle est capitaine de vaisseau spatial collecteur de déchets. D’un coup, avec cette description, on sent « qu’elle pèse dans l’game ». Capitaine et seule membre d’équipage d’un énorme vaisseau, Aya voyage de planète en planète, collectant les déchets dans d'énormes containers, qu’elle ramène ensuite sur la planète centrale. Planète centrale n’a cependant rien de réellement centrale. En fait, cette planète a volé son nom grâce à l’égocentrisme humain. Nos chers homologues littéraires sont aussi exophobes dans ce roman que xénophobes dans nos contrées. Il s'agit donc d’une planète humaine où les extraterrestres sont interdits de séjour et où les ressortissants planétaires ont l’interdiction de côtoyer les autres habitants de la galaxie, fussent-ils humanoïdes ou même humains. Le commerce et les interactions se font donc sans réelles relations avec les autres espèces. Ça fait rêver avouez… et bien, rassurez-vous, ce n’est pas le pire.
Dans cette société, les gens sont régis en grade. Dès la naissance, on vous teste jusqu’au tout début de vos études afin de mesurer votre potentiel intellectuel. A partir de ces tests, on vous donne un grade de base qui vous donne accès à des possibilités d’études et donc d’emplois. Tout au long de votre vie, vous n’aurez de cesse de vouloir une promotion et de passer au grade supérieur qui vous permettra d’augmenter votre revenu mais aussi les loisirs auxquels vous avez le droit, la diversité de votre nourriture ou les rapports humains que vous pourriez avoir. Le grade est presque le seul facteur social qui vous permet de vivre. Aya commence en grade 4. Ce grade lui permet de commander un vaisseau sans personne sous ses ordres ou d’être un officier subalterne. Son choix est vite fait et elle remplit ses fonctions avec zèle en espérant pouvoir passer grade 5. Mais ses projet sont contrecarrés lorsque son vaisseau poubelle est attaqué lors de son voyage de retour. Elle qui ne rêvait que d’aventures et de combats au sabre, elle se retrouve à lutter contre l’abordage de son navire.
Féministe convaincue, conseillère sociale et culturelle dans la vie, Yael-July est aussi chroniqueuse gastronome. Elle narre avec brio les échanges épiques de coups de fourchette aussi bien qu’elle sait rendre vivant un combat spatial. N’étant pas tout à fait impartial, je vous dirais bien que l'écrit qui l’a fait connaître est sa nouvelle « cahen crépuscule » que vous pourrez trouver dans l’anthologie Star West. Elle est auteure de quelques nombreuses nouvelles dont deux qui furent récompensées par un Prix Public de Genève et une autre qui reçut le prix Masterton. Avec Planète Centrale, Yael-July entre dans le club très select des romancières de série space-opéra. Une entrée en fanfare qui nous laisse attendre la suite avec impatience.
Pierre-Marie Soncarrieu