Par où commencer, tant il y a de choses à dire sur ce roman ? Quoique, si vous avez vu passer diverses chroniques de ce qui apparaît de plus en plus comme un classique du genre, vous avez dû vous apercevoir que beaucoup de gens, spécialisés dans le domaine et à la culture encyclopédique, ont déjà dit énormément de choses et que rares étaient ceux qui se répétaient. Et pour cause, bien courageux et pointilleux celui qui trouvera dans cette œuvre un défaut flagrant qui ne soit explicable par une question de goût propre.
De quel genre parlons-nous exactement ? Après s’être tenté à la fantasy avec brio, avoir exploré la science-fiction, avoir revisité l’urban-fanasy, le tout sous forme de romans ou de nouvelles, Thomas Géha s’attaque ici à l’épique « Sword&sorcery ». Encore un nom anglicisé, allez-vous me reprocher, et pour cause, ce terme apparaît pour la première fois dans les années 60 sous la plume de Moorcock himself, avant d’être démocratisé par les non moins célèbre Howard et Lieber. Traduit rapidement par « épée & sorcellerie », le terme céda très vite sa place à « l’héroïque fantaisie ». Comme son nom l’indique tout à fait, on parle dans ce genre d’ouvrage, de romans basé sur la dualité des armes et de la magie. Mais qu’a bien pu en faire le Sieur Géha ?
« SI ce n’est pas le paradis, c’est sans doute ce qui s’en rapproche le plus : une coupe dans une main et une croupe dans l’autre. » tel aurait pu être la phrase de présentation de Hent Guer un des deux personnages principaux de ce romans. Un barbare, un vrai de vrai. Cet homme nous est présenté comme un géant tout de muscles et de fer ne vivant que pour la violence et le pillage. Ha, et puis pour la joie de dépenser sa richesse bien mal acquise dans le stupre et la luxure. Ce charmant individu est déjà bien pernicieux seul, mais en plus il est accompagné, presque en permanence par Pic Caram son compagnon de vice. Vous l’aurez compris, si Hent est la « sword », Pic est la « sorcery ». Un mage donc, mais avec un petit côté inédit.
Pour ce mage, on laisse tomber les ustensiles mainstream tel que le bâton, la baguette, les grigris et autres enfantillages et on passe aux rubans. Je vois d’ici vos haussements de sourcils dubitatifs. En fait, dans ce monde, la magie est divisée en plusieurs « branches », chacune avec ses spécificités, ses domaines et ses attributs. Pic Caram fait partie de la branche la plus rare et la plus puissante : les mages aux rubans. L’auteur nous explique fort précisément que son mage de papier voit le monde comme un tout, formé d’une multitude de rubans entremêlés. Ce qui permet à Pic d’agir sur le monde qui l’entoure, il lui suffit de démêler un nœud, ou d’en créer un, pour agir. Technique plutôt pratique quand on est un mercenaire.
Le roman est basé sur le principe d’un fix-up, à savoir une anthologie où toutes les nouvelles sont classées par chronologie et qui forme un roman complet. Cette forme permet à Thomas Géha de nous présenter son monde dans sa complexité à travers 5 nouvelles. A l’image des rubans de Pic, ces nouvelles nous exposent les causes de ce qui va se dérouler dans la nouvelle finale, moment où l’ensemble des antagonistes se retrouve et se confronte. Nous n’y trouvons donc pas deux camps opposant le bien et le mal comme souvent dans ce style là, mais une multitude de groupuscules cherchant à tirer profit des méfaits de nos deux anti-héros. Il est à noter avec admiration, que l’auteur nous présente deux individus antipathiques au possible, des monstres d’égoïsme et d’égocentrisme et il arrive à nous rentre empathique envers ces deux malfrats. En un mot, ce roman ravive les lettres de noblesse de ce genre le tout parsemé de pointe d’humour noir comme on en aime.
Pierre-Marie Soncarrieu